rime
chaque respiration rime
même
quand tu ne le sens plus
même quand tu délires
même quand les mots
sont cassés
au centre de mon âme
au plus profond et caché
une source
et à l’extérieur
au plus autre et lointain
une source
la même source
de l’intérieur vers l’extérieur
les cercles concentriques
qui s’étendent et se ferment dans l’eau miroir
les neuf demeures
il y a la source dans l’en dedans
vient ensuite mon cœur mon cœur tranquille la demeure errante
puis mon ombre secrète l’obscure la ténébreuse celle qu’on ne dit pas
puis mon sommeil peuplé de vastes vagues quand plus rien ne les lie
puis mes pensées bruyantes et folles celles qui courent le jour
puis les traces qu’a laissé chaque feuillage de la vie sur mes yeux
puis ce que je désire hors même de ma vie
puis ce qui me terrifie car tout-autre
puis l’amour
puis rien
et au dehors la source la même source
de cette source je ne peux rien dire
demeure où le château a mille portes comme la lumière
ou « cercle de la demeure errante »
ô diamant
le feu
sans fond
il est assis
en rond
comme un corps humain
et ne se trouble
qu’à la lumière
la maison en soi
l’escargot
ne protège jamais la pierre
seul le cœur
de ton cœur
mérite ombre où dormir
marchent
marche après marche
les éclats
du joyau
taillé à même
l’âme
en moi descend
le jour sans logis
crépuscule tombe
comme un escalier
qui ne fuit pas
le cercle est sans fuite
demeure
ma nuit
demeure
errante
demeure où le démon ne trouve à habiter aucun visage
ou « cercle de l’obscur »
ici
personne
appelle-moi
appelle-moi d’un prénom
d’un prénom
qui sonne autrement
que la douleur
demeure où l’océan s’est arrêté parce qu’il ne veut plus partir
ou « cercle de la transe »
dors coquillage
dors berceau de l’innombrable
aile
voyage
mais ne pars pas
océan
endors-toi
le ciel ne te fuit plus
si tu ne bouges
plus
soulève l’édredon
défais ma chair
et mon cœur
la fleur
la porte
tout est
demeure où le vent chante des forêts dont on ne connaît pas la fin
ou « cercle des pensées vagabondes »
je ne dépasserai pas les collines
je ne dépasserai pas le galop des forêts
aux sabots
de feuilles de murmures d’argent
je ne dépasserai pas
es-tu bien sûre
âme
as-tu peur
pourtant je t’ai vue aimer
et arrondir ta bouche
comme un luth
il n’y a pour corde à ton arc
que la corde de ta voix
et ta voix
chante
sans but
hier tu espérais
aujourd’hui tu cherchais
demain
demain
tu rêves
demeure où le regard est écorce et écaille avant que la couleur fleurisse
ou « cercle des impressions »
verte
est la fenêtre
on ne peut pas saisir
à travers
le camélia la pluie et les moineaux
tu m’as dit
personne ne s’élance
hors de chez soi
par la fenêtre
moi je te réponds
seul à quitter ton cœur
est le regard
qui ne saisit rien
et ne traverse pas
demeure où les hirondelles volent parfois plus haut que le printemps
ou « cercle du désir »
je veux tendre
l’échelle
qui coule à travers mon corps
tendre vers
je suis une souffleuse de vertige
j’irai au-delà
jamais las
las mon cœur
pourquoi les barreaux de mes os violents
ne sont-ils pas
prison pour mon corps
demande la rivière
dont les écritures se dérobent
quand le point du jour
s’y pose
chaque ligne souviens-t’en
est la permission
du mouvement
aussi le brin d’herbe
est un pèlerin
sous tes pieds
mais je n’ai pas perdu mon temps
le sablier
qui me retourne la chair
me dira-t-il l’envers
de l’hirondelle
j’irai au-delà dis-tu
vers quel tendre
tendre désir
demeure où tout se tait avec une bouche si ouverte si vaste si noire qu’elle est verticale
ou « cercle de l’étendue »
désert
hurle mon existence
par pitié
je veux vivre
encore
ne laisse pas ces longs poissons courbés
comme des dunes
perdus
se noyer
dans l’innommable
le fouet des ombres
étire mon corps
dans le noir
la coupe de sable renversée
est bue
jusqu’à la dernière miette
mais le soir a si soif
si soif
de mon extinction
désert
hurle mon existence
ne laisse pas s’effacer le nœud inquiet
de mes mains
posées
posées
déposées
je veux vivre
encore
sur cet infime
infime bout du monde
j’ai fixé d’un œil triple
le monolithe
mon troisième œil
est une noire épaisseur
comme est droite et opaque
la règle
sur laquelle seule la mort
ne se mesure pas
finitude
mon destin est un festin où les mangeurs
n’ont pas de corps
bonne nuit bonne nuit
ma mère ne me l’a plus dit
depuis longtemps
mais je l’ai entendu
encore
demeure où tout brûle sans éteindre
ou « cercle du ciel brûlant »
monte
comme un soupir qui se rompt
au moment
de ravir à l’amour
à l’amour
les mots
monte
le soleil a couché sur la terre
des lettres
très détachées
et elles ne signifient
aucune image
monte
tous les nuages
ont été démontés
si bien que rien ne cache plus
la rougeur sincère
monte
il y a urgence
il y a incendie
détache-toi
mais rien
rien ne viendra plus après l’amour
demeure où rien ne demeure
ou « cercle du rien »
dans ce rien
j’ai tenté d’entrer
mais l’entrée et la sortie
dans ce rien
sont une même chose
ne sois pas patiente
n’attends pas
sois passante
deviens
mon âme
deviens sans
moi
je suis grosse
grosse et un univers dans le ventre
et grosse comme
la nuit dont les étoiles ne se comptent plus
je suis une vallée et un pays
sans limite
je suis
un coquillage tout rond avec des ravins
et des voûtes
et je suis petite
petite
je suis la vague roulée en boule
timide
les forêts se sont dessinées
des branches des plis
des entrelacs rouges sur mon corps
comme les froissements
d’un coquelicot
je suis grosse
et mes hanches sont pleines de questions
et mes formes
rêvent
somnambulent
comme la vigne l’arabesque le corail
elles explosent
elles explorent
mon visage mon corps
un bouquet de pivoines
iels n’ont pas eu lieu
dis-tu
iels n’ont pas eu lieu
et moi je dis
il y a eu lieu
Gaza est son nom
aussi long que la mémoire
que le corps qui s’allonge
près du cyprès
un visage de gamin
yeux fixes
sa peau
elle brûle encore
et demain
leurs rires tombaient comme des pépins
dans la terre
l’amandier fleurissait et les bras d’une mère
tout fleurissait
entends le bruit du sang
qui ne coule plus
plus
dans le cœur du père
les enfants
oh s’iels faisaient autant de bruit
que les cigales l’été
combien ta conscience entendrait
combien
elle ne dormirait plus
pose des cailloux gris sur ta route
tu l’appelais frontière
mais c’est une route
pose des cailloux gris
sur ta route
tout cela n’a pas eu lieu dis-tu
ni la fleur ni la mère
ni la mort
pose des cailloux gris
la route est empêchée
pose des pierres
là où les corps sont absents
dans le cimetière
chaque silence des bourreaux
et des honnêtes journalistes
qui ferment l’œil
la nuit
et des complices
et de toi
mon cœur tranquille
a eu lieu
me voici nue
découpée découpée
comme le poisson
par une impossible lumière
je ne reverrai pas
j’ai espéré des cernes
pour dire quelque chose comme
j’ai vécu
des cernes plus bleues
plus lourdes
que l’écorce de l’océan
je ne reverrai pas
ne me dis pas adieu
tant que la lune sera inachevée
presque ronde
comme la page d’un livre tournée
un peu
et que l’on n’ose pas
traverser
la mer a déroulé ma peau
toute remplie
mais j’ignore où est mon sang
s’il n’est pas dans mon visage
et si de cette dernière fleur
je ne suis plus
amoureuse
où es-tu
je ne reverrai plus
nuit a brûlé
nuit a trahi
l’œil est percé par un voleur
et cette vie
il la prendra
elle est si grande
elle ne tient pas dans ma main
ne ris pas
j’ai trop de mots
mais toi petite
petite mort
étais-je capable de te surprendre
avec une parole
un petit bout que l’obscurité de mon regard
n’a pu enlever