joie naissante

joie naissante
tu es pure
car tu es sortie de l’eau du torrent
sans regretter
ton vêtement

tu as joué d’une flûte
d’argent
le jour où tu pensais
respirer la franchise
pleine
de l’eau

itinérante
joie

tu as donné ta faim
au pain blanc rompu
des écumes
des courants violents

tu as voyagé
comme une barque
qui aimerait tout emporter
dans son giron
y compris le fond de l’eau

ton œil
il est si grand
qu’il n’a plus faim

tu ne cherches plus

la caresse touche sans oser toucher
elle est si belle
cette fumée qui a peur du feu

le voyage est fini

tes forces sont tombées
proches
si proches
parce que ton pays est
en dessous

en dessous même des chemins

poèmes

c’est toi

mon enfant

je porte le manteau glacé
le soir
toi tu as les épaules nues

mais je te continue
quand tu marches sous les cyprès le soir
dont la courbe profonde ne finit
plus

ma matière
est-elle une pierre qui refroidit
une enveloppe
un muscle

ou encore

ou encore

c’est toi
m’a dit la mort

elle m’a vêtue
mais la capuche blanche
tombe sur mon œil gauche

l’autre œil est un veilleur
un jouisseur
il clignote
fixe
comme une aile de moucheron
qui ne peut pas partir

c’est toi

l’araignée

elle a tissé les ossements de l’air
impalpable
c’est un lac un cimetière
un dessin très doux comme une rose
dépourvue de couleur

mais je n’ai pas pu y boire
sans douleur

c’est toi

la carcasse fine du gel
qui s’accroche
persiste
essaye
une forme
pour ne pas que la lueur
là-bas
celle qui commence à nous fondre
le corps
oublie

ma matière
est-elle une pierre qui refroidit
une enveloppe
un muscle

ou bien une ligne

ou même une perspective

ou même quelque chose comme
une fuite

c’est toi

ai-je dit

je l’ai dit quand tu as regardé
droit dans les yeux
mon corps
sous la poussière

l’allée vide bordée de murs
trop hauts

la poche noire là-bas
nulle part

mon enfant

je porte le manteau glacé
le soir
toi tu as les épaules nues

mais je te continue
quand tu marches sous les cyprès le soir
dont la courbe profonde ne finit
plus

poèmes

ce flot

elle te hante
elle
t’inquiète
cette vague
comme un violon sans fin
au moment de

franchir

tu as parfois senti ce corps
épais
mais la branche du saule
fût-elle sombre
et tressée de sauvages
complications

n’empêche ni le ruisseau
ni la clarté

elle les traverse

regarde les éclats
tranchants
de tes pas tracés sur le monde

cela blesse

tu as peur

et ce reflet brisé
ne vit et ne respire
dans l’eau
que pour se rassembler

venue au monde
tu as surpris le lézard à la peau
nerveuse
la rivière
qui court parce que sa maison
n’habite nulle part

tu as cherché la faille
ce trait
tracé
par une main distraite
sur une feuille oubliée

ce flot
ce flot

où es-tu devenue

poèmes

une aiguille

une aiguille fut perdue dans la montagne
jadis
elle creuse
la lumière
la douleur

sous l’organe aveugle de la neige

elle se tient au bout le plus étroit
de la bouche

elle ne bouge pas
car elle est entourée de vide

elle a peur peut-être
d’être quelque chose

parce qu’être quelque chose
c’est mourir

poèmes

sans verbe

une dame
visage creusé
par une pluie fine
très fine
me parlait
d’une parole sans verbe
(elle ne craignait pas le temps
passant)

les jours de la vie rient
comme des enfants qui s’éloignent
j’ai failli tomber hier
parce que leur ballon roule encore
sur la route

comment est ce ballon
ai-je demandé

il est presque
ici

poèmes
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