encore

mon époque
c’est une chienne
elle a des yeux jaunes
comme la folie
ou le souvenir d’un soleil

elle dit encore

elle dit

laissez-moi mourir doucement

je l’ai vue hurler
danser
sur le réchauffement climatique
elle ne pouvait plus
fermer l’œil
vous savez qu’on danse
avec une horreur
juste
quand le feu a déjà pris
nos yeux
et même nos yeux fermés

elle dit encore

elle dit

laissez-moi mourir doucement

je l’ai vue cette bouffeuse
de cadavres et de génocides
je l’ai vue aussi
l’espérance
elle crie avec la lune
au bout des lèvres
mais moi
j’ai déjà la terre d’un cimetière
sans frontières
entre les dents

elle dit encore

elle dit

laissez-moi mourir doucement

j’aimerais les entendre
les pavés sur lesquels
un sdf ne s’endort pas
où une femme
queer
n’est pas battue à mort
j’aimerais l’entendre la révolution
qu’on me dise
ne t’endors pas il y a encore

poèmes

&

ma déesse
ma déviance
je l’appelle &

se prononce
est-ce ?
perdre
fluette
et surtout

est

mais souvent
elle m’appelle autrement

autre

elle m’étrange

elle est minuscule
son nom est minuscule

&

elle se parle à voix basse

elle est moins immortelle
qu’un rire ou qu’un frisson
humain

ses attributs sont

– le coquelicot
– la nuit de michel-ange sculptée et signée par les ombres à six heures du soir
– imagine une horloge arrêtée à onze heures quarante-quatre mais une de ses aiguilles est rouillée malgré tout
– le secret que personne ne voit au fond du cyprès
– en fait même enfant j’avais peur de me planquer là-dedans
– la poussière et les angles poussiéreux
– la ride sur l’eau et sur la peau
– la feuille morte qui erre dans un courant d’air
– le mot prsq
– à ce moment-là t’as pas trop le temps et donc tu ne l’écris
– pas entièrement
– t’as fait croire aux gens que t’as un train à prendre mais dans ton cœur tu penses que le train n’attend pas mais que toi
– tu attends encore
– le gel qui fond sur les primevères
– les ruines si elles sont vert pluie
– une palette de couleur(s) glauque(s)
– (s)
– (
– le nuage qu’on a vu hier
– et aussi)
– ) comme quand on se penche sur quelque chose qu’on croit avoir perdu
– le truc que tu retrouves dans un tiroir et tu ne sais pas vraiment son nom et tu ne sais pas s’il t’appartient si ce n’est pas à toi et même si on te le réclamera
– peut-être qu’il n’appartient à personne au fond
– ce que le vent cherche quand il fouille les feuilles de tilleul
– la ligne qui tremble sous la main quand on essaye de dessiner son pays mais on ne le connaît pas et on finit par dessiner autre chose
– la nuance d’une aile de papillon dans une toile d’araignée
– la lumière lorsqu’on a les yeux mouillés ou presque endormis
– et ce m’aime un peu du premier pétale arraché
– même un peu
– en vérité il y a des milliards de regards de flaques d’eau de miroirs qui n’ont jamais vu ta tête pour qui tu es un néant mais cette lézarde dans le mur tu la connais

quand elle te regarde
elle ne regarde presque

rien

divers

si tremblement

ne laisse pas
leurs mots sur ton visage

tarée
bizarre
abrutie

ne laisse pas
leurs mots

ratée
déviante
contre-nature

hérétique

ne laisse pas leurs mots

parce qu’ils sont très froids
ils sont faits pour

ne pas entendre la pluie
ne pas entendre la peur
ne pas entendre la honte
ne pas entendre

que tu es si terriblement

si tremblement

relève la tête
il y a un ciel pour les gens qui

croient aux nuages
et même pour celleux

qui n’y croient pas

c’est vrai qu’un nuage ne se mange
ni ne se range
ni d’ange
mais comme c’est dan

danse et

dangereux
de regarder les nuages
quand on est une folle
qu’on veut
enfermer

trempe le pinceau invisible
de tes yeux

si pleins si pleins

ce qui est plein à en mourir

c’est ce qui n’existe pas
encore

poèmes

n’oublie pas le bleu

à mon frère

n’oublie pas le bleu

ne laisse jamais
les routes te dessiner

emprunte à l’océan
son œil
parce que son œil
ne finit pas

n’oublie pas le bleu

n’oublie pas
que le ciel des cœurs libres
est grand

à l’aube

chaque soleil
montant
a le vertige

n’oublie pas le bleu

la lumière est pirate
elle ouvre le monde

demain
danse
comme on ouvre une étoile

n’oublie pas le bleu

demain
demain immense

les murs ont peur de ton regard

n’oublie pas le bleu

après eux
vient toujours l’oiseau

poèmes

pour envier

dis-moi si la montagne
du haut de sa douleur
a le vertige

si sa nuque blanchie
par l’orage
se penche parfois
pour envier

son ombre
son ombre
toute étendue

sur l’herbe sauvage

poèmes
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