Nom de l’auteur/autrice :sykorax

Grise vision

Les chemins qui coulent de mes cheveux
devenus blancs
comme une marelle
la forêt aux troncs de brise grise
la prison brisée
la charge du sanglier vertical
comme un sanglot
la guillotine à la lame plus errante
tremblante
qu’un dessin raté
dans ma poitrine
– c’est cela que j’appelle blessure

La chair scarifiée d’un fantôme
la neige
qui fond dans l’ombre
et non dans le soleil
le chagrin
de tomber sans but
comme une tête sans idole
étoile

Aujourd’hui l’aigle
et la plume
ont le vertige

Il n’habite plus ma maison
l’Errant
le pas de nuage
traînant sa chaîne
– elle lui rappelle que tout ici
a un poids

Fenêtre rayée de pluie

poèmes

Sans existence

Merci mon sombre écho 
mon Sans-Visage qui pleure 

Je cherche la source étrange 
celle de l’œil 
inhabité 

Je n’ai pas trouvé de maison 
juste la frange obscure 
d’un cheval infini 
le vent 
et quelque chose qui ressemble à une fleur 
que personne n’a encore profanée 

C’est parce qu’elle n’existe pas

poèmes

L’amante

L’amante a le corps chaud comme une pluie d’été
la feuille verte et mouillée penche
moins timidement que son œil
sur le cerisier

poèmes

Chant

Le bois sombre des paupières
est tombé
entre mes dents une forêt de neige
remue

Je chante
je traque la silhouette de l’animal
furieux
il est mon poème ma vie
mon immense

Et j’ai perdu le temps
à désirer temps qui soit mien
de là
est venue la musique

J’ai précédé le chien
j’ai précédé l’odeur
j’ai précédé l’heure que je poursuis
j’ai déposé l’arme
et l’animal
m’a fuie

Si je chante
c’est parce que les rivières me fuient
la neige
les racines les ombres
et mon sang

Le monde terrifié s’échappe par ma bouche

poèmes

L’autre pays

Nous portons de lourds soleils sur nos visages
nous avons lancé la balle haut
pour faire le jour comme on fait l’amour
nous ne croyons plus aux astres
mais nous jouons à cache-cache avec eux

Nos sourires ont dénoué les monstres et les chaînes
nos pas sèment le bruit des plumes
celles qui ont pesé dans les entrailles tremblantes
le poids absent des rêves

Nos ailes
nos révoltes comme une marée haute de griffes et de crocs
crèvent les yeux du ciel

Il doit être nuit le ciel qui se lèvera sur nos mains ouvertes
parce que compter n’est pas notre langage
parce que les sentiers des dix doigts ne suffisent pas
à nos visions

Combien de fois la mer est-elle tombée en ruines
et en murs abolis
sur le sable de l’autre pays
l’infranchissable ?

poèmes
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