aussi profond que la lune
à L.
la lune se reflète
dans le puits du silence
elle est au-dessus de ma tête
elle est en-dessous de mes pieds
de même notre amour est aussi haut
et aussi profond que la lune
à L.
la lune se reflète
dans le puits du silence
elle est au-dessus de ma tête
elle est en-dessous de mes pieds
de même notre amour est aussi haut
et aussi profond que la lune
à L.
avril minuit demain
tu es plus belle que tous les visages du temps
il m’est arrivé de voir avril
il m’est arrivé de te voir aussi
il y avait sur ta bouche les fleurs coupées du silence
il y avait dans tes yeux un bouquet d’étoiles parfumées
et je crois qu’avril est aussi clair que ton visage une fois les oiseaux de ton rire
revenus
ton rire se pose sur tes lèvres
et y ferme ses ailes comme un secret
il m’est arrivé de voir minuit
il m’est arrivé de te voir aussi
tes paupières sont les glaives qui tranchent la lumière
et les ciels obscurs qui dorment dans tes yeux
tes paupières sont les couperets de velours qui cachent l’aurore
noire
de ton regard
il m’est arrivé de voir demain
il m’est arrivé de te voir aussi
tu es l’espérance de ce que le jour n’est pas encore
tu es l’espérance de ce que la nuit a cessé d’être
j’ai vu les lacets du temps défaits
depuis que je t’ai entendue
quand je suis avec toi j’entends l’éternité des anges et ses
sabliers de plumes
chavirer
avril minuit demain
tu es plus belle que tous les visages du temps
à L.
tes yeux bruissent comme l’herbe chaude et ombreuse
des nuits d’été
ils palpitent comme de petits papillons noirs
près des feux de la Saint-Jean
ils sont danse
ils portent encore en eux la trace de l’orage
ils sont l’éclair qui soulève sa frange d’or
le flacon de parfum que les anges ont brisé sur la terre
les étoiles filantes abandonnent leur cape d’argent
derrière elles
de même ton rire quand tu es loin de moi
demeure entre mes mains
ta voix est le cordon blanc des constellations
qui se dénoue avec grâce
si bien que quand tu ris
les étoiles semblent frôler la terre
ta voix est si douce que je crois entendre les grelots de pluie
attachés aux poignets des rivières
quand tu ris avec moi
quand tu murmures à mon oreille les grillons vacillants de tes soupirs
j’entends la nuit fredonner
j’aimerais me perdre dans tes cheveux
comme dans un labyrinthe aux haies sombres et profondes
les oiseaux migrateurs y froissent leurs ailes noires
et le ciel y frissonne
l’éternité tremble
comme si le paradis lui-même dans l’enchevêtrement
et le vertige de tes boucles
s’était perdu
tes mains rondes se sont recroquevillées sur les miennes
comme la coquille fragile de l’escargot
ton prénom est si léger qu’il me semble soulever les
nuages
quand je le prononce
quant à ton âme
je crois l’avoir aperçue un peu entre les plis des rideaux de tes yeux
qui bougeaient doucement et penchaient
à la manière des vagues souples d’un océan profond
elle s’abritait là derrière le paravent sombre de ton regard
elle ressemblait à la petite buée de clarté
que laisse sur la vitre
un enfant qui rêve
et le reste est si ténu et si petit
que je crois qu’aucun mot ne pourrait le redire
ces mots avanceraient-ils comme des voleurs
à pas de loup
ce quelque chose en toi cligne comme un
chut
j’ai gardé les lèvres presque closes
juste de quoi
laisser fuir un poème
à L.
quelle est la couleur de ton âme
a-t-elle la couleur des nuages
ou bien la couleur de l’herbe fraîche et nue
ou une autre couleur encore
quel est le prénom de tes yeux
combien de fois ton cœur a-t-il battu
depuis l’éternité
quelle ombre fait ta voix quand elle se lève
pourquoi les anges
pourquoi toi
quel rêve y a-t-il sous les petites paumes obscures
de tes paupières
est-ce un rêve qui ne peut pas se dire
à quoi ressemble ton rire après la pluie
est-il léger ou rouge
ou amer
ou tout cela à la fois
ou rien de tout cela
quelle heure est-il dans ta chambre
et dans ton regard
est-il l’heure d’aimer
quel pays dessine les lignes de tes mains
est-il lointain ou proche
quelle est la direction de ton prénom
va-t-il vers les continents aux arbres qui murmurent
ou vers les mers
ou vers les ailes des oiseaux
y a-t-il d’assez petits mots pour parler de tes petites mains
dis-moi encore quelle est la source de tes yeux
et dis-moi comment tes regards escaladent le paradis
ont-ils déjà glissé parfois ou trébuché
ont-ils déjà aimé
ont-ils déjà aimé comme on trébuche
l’amour est-il selon toi un étonnement un saut un vertige une
maladresse
une grâce
ou rien de tout cela
ou bien
autre chose
j’ai rencontré une montagne sans repos dont j’ignore le nom
mon poème m’aidera peut-être
à le trouver
car le silence est un poids vivant
toujours prêt à devenir poids mort
point de départ des poèmes
point final de l’oubli
nécessaire
car écrire nos révoltes c’est soulever
la montagne des malheurs misères
rêves inaccomplis
paroles captives
non pas pour lui dire
jette-toi dans la mer
mais pour qu’elle se tienne debout
et que son visage puisse
avec dignité
regarder face à face le ciel
car quand elle aura regardé
dans le noir des yeux le ciel
elle pourra lui demander
des excuses
pour son indifférence
car elle pourra apposer son ombre
sur la terre
pour que celleux qui la regardent
se souviennent
que les ombres d’hier
sont nos lendemains prêts à s’abattre
sur nos têtes
car quand nos mots retomberont
dans le carcan
quand ils s’épuiseront
quand ils ne voudront plus
soulever la montagne
alors le monde mourra écrasé
par notre silence
car la montagne demande
nos lendemains qui hantent
sont-ils prêts à se battre
pour avoir le droit de chanter
car cette montagne qui n’a pas trouvé de réponse
qui se comprend dans ce monde
sans jamais le comprendre
s’appelle
pourquoi