J’ai rencontré une montagne sans repos dont j’ignore le nom,
mon poème m’aidera peut-être
à le trouver.
Car le silence est un poids vivant,
toujours prêt à devenir poids mort.
Point de départ des poèmes,
point final de l’oubli.
Car écrire nos révoltes, c’est soulever
la montagne des malheurs, misères,
rêves inaccomplis,
paroles captives,
non pas pour lui dire :
« Jette-toi dans la mer »,
mais pour qu’elle se tienne debout
et que son visage puisse
avec dignité
regarder face à face le ciel.
Car quand elle aura regardé
dans le noir des yeux le ciel,
elle pourra lui demander
des excuses
pour son indifférence.
Car elle pourra apposer son ombre
sur la terre
pour que celleux qui la regardent
se souviennent
que les ombres d’hier
sont nos lendemains prêts à s’abattre
sur nos têtes.
Car qand nos mots retomberont,
quand ils s’épuiseront,
quand ils ne voudront plus
soulever la montagne,
alors le monde mourra écrasé
par notre silence.
Car la montagne demande :
« Pourquoi les anges exultent-ils au ciel
les pieds posés sur notre enfer ?
Pourquoi les êtres humains vivent-ils
avec des vallées de sanglots
au-dessus de leur front ?
Nos lendemains qui hantent
sont-ils prêts à se battre
pour avoir le droit de chanter ?
Et s’ils ne le sont pas, pourquoi ? »
Car cette montagne qui n’a pas trouvé de réponse
ailleurs que dans l’espérance
(de celle qui prend, qui donne, non de celle qui attend),
qui se comprend dans ce monde
sans jamais le comprendre,
s’appelle « Pourquoi. »