j’ai suivi les labyrinthes sans mur
les ailes sans plume de ma fortune
qui comme des sabres tranchent les mains du vent
avant la liberté le vent existait-il
le vent qui écoute aux portes
a-t-il bien entendu que mon cœur sonne plus lourd que minuit
qui sait d’autres choses que le vent
j’ai vu des voiles impatientes respirer sur mon corps
j’ai vu les fleurs blanches aux cent pieds immobiles
qui tournent en rond comme l’amante pleine d’appréhensions muettes
voilà ma roue et mon destin
rien d’autre je crois
dans les jardins noués des antiques labyrinthes
l’espérance me disait cela
nos pieds sont-ils usés d’avoir porté la terre avant d’être portés
j’ai dormi dans l’étreinte froide
des mers aux baluchons blancs dénoués
des mers vagabondes
pauvres qui dressent leur nappe sombre
sur les foules mouvantes des mots qui m’empressent le cœur
la voilà cette rivière sauvage aux innombrables couloirs
cette mer aux sourires
aux couteaux mélangés
j’ai tremblé
j’ai touché l’étoile
j’ai vu la terre rouler comme la tête d’une condamnée à mort
je n’irai pas plus loin
un taureau blanc aux pieds ailés d’écume frappe la grève
il n’y a rien
il n’y a rien qu’une nageoire sans sillon
dans la mer oublieuse
des avortons de vagues aux visages tordus
les mouettes et les plumes grises
comme un rideau de cendres sur le tendre crépuscule
ont répandu les larmes
celles qui tracent l’onde verticale de mes joues fatiguées
je ne sais plus quel ciel peut supporter sur ses épaules
la terre
et moi Pasiphaé au désir dolent
et la mer indénombrable comme une étoile démembrée
le vase sans bord et les vertiges qui dorment au bord de la paupière
je cherche des poèmes qui ne soient pas des monstres
mais je ne trouve que les épées défaites et le fil sans retour
des êtres libres
et je vois que le sang coule sur les tempes
quand la peur bat le cœur des bourreaux
les divinités rient dans la neige froissée des longues mers
et les nuages plus graves que des conques sonores
ont déjà assombri mon front
et j’ai éteint mes yeux
j’ai cessé mes prières
j’ai porté mes baisers affranchis vers des rochers tout blancs
des cornes et des brumes
je me suis livrée en pâture à l’estomac et la nausée
des océans
j’ai oublié que le temps de l’amour est courbé comme un arc menaçant
une vague à la croupe violente
derrière laquelle l’air ne repousse pas
j’ai suivi le chien mouillé et vieux de nos yeux
de nos yeux pleins à craquer comme une valise d’apatride
le voilà ce monstre qui revient d’un pas inégal
et qui porte sous son museau bâtard la petite balle d’or
de mes regrets
et la plage était sans lignes
d’ancres fixes
et la plage était vide comme le miroir de celle qui a cessé de se regarder
en face
où vas-tu tempête sans parole et tragédie aux héros de sable
montre-moi ton regard et ta bouche sans hasard
montre-moi les masques monstrueux des montagnes mutiques
éboulis de bouches rugueuses et de maisons vides
montre-moi la voix de pierre et les ongles salés qui ont griffé la pierre
pour creuser mon vêtement de terre
ma mort
ma question
je désire
mais je n’aurai pas de lendemain si le lendemain n’est que brisure
et si la brisure s’ouvrait comme chemin à voile d’oiseaux
combien de monstres à éclore
combien de possibles
combien de sculptures vides dans mon regard plein d’ombres
mes hanches comme mes poings ont ouvert les portes interdites