Souvenez-vous que le malheur
ne porte pas de nom,
c’est à peine si l’on peut
lui donner un visage ;
car qu’est-ce qu’un visage
qui ne nous dit pas :
« Aime-moi » ?
Souvenez-vous que le malheur
ne reconnaît pas l’humanité ;
il n’a pas de regard
pour aimer
ni pour se souvenir d’aimer ;
il ne sait pas ce qu’est
un être humain
et son don le plus cruel,
c’est l’indifférence.
Souvenez-vous que le malheur
est sans différence.
Souvenez-vous que le malheur
n’a pas les pieds légers,
de ces pas qui s’effacent
une fois passés ;
il rend irréparable
chaque seconde de notre vie
et fait du sillon de nos existences
des cicatrices muettes.
Souvenez-vous que le malheur
a beaucoup de souvenirs
mais finit par nous oublier.
Parfois, il nous conduit
à oublier nous-même
qu’autrefois
nous et les autres
avions un visage,
un prénom,
un pas léger,
un regard pour aimer
et des mots pour appeler le malheur
malheur.