le chemin
j’ai parcouru ce chemin de sable
susceptible de s’envoler à chaque instant
ce chemin où nos traces de pas
laissent des ruines éphémères
et que l’on appelle vie
ou parfois simplement
désir de vivre
Je ne serai pas délivrée tant que la société sera une prison.
Je n’aimerai jamais la prison où l’épaule de maon voisinx est un marchepied, un paillasson, un cache-misère et non pas la première pierre sur le sentier de l’amour.
Si les visages sont fermés, donnez-moi les clefs pour les ouvrir : ils ouvriront leurs ailes comme des oiseaux même si le ciel est interdit.
Il n’y a pas de loi plus forte que celle que l’on brise par un rire de plumes, par un pas léger et l’audace des voleurz.
Et le cœur est violent.
Et les roses sont en feu pour que le parfum de demain ne prenne jamais fin.
Et la graine ferme le poing comme un rêve inavouable.
Je serai enterrée vivante tant qu’il y aura la boue sous les semelles superbes au-dessus de mon front.
Ne me donnez pas vos miettes et votre hypocrisie : je veux votre visage même si je dois y mourir.
Mon amour est pavé et le pavé n’a pas trouvé sa cible.
Et il ne fonde pas d’Église car mon Église est un oiseau.
Et l’oiseau est jeté.
Je lapide le soleil et son sourire limpide – car son sourire est indifférent.
Et je veux la différence sur mon visage.
Et je veux distinguer.
Et je veux être autre.
Et je veux l’épée jusqu’à ce qu’elle se brise sur les primevères.
Le serpent recrachera sa queue.
Sa bouche s’ouvrira comme un poème.
Il parlera la double langue des chemins obscurs.
Le carrefour me blessera à gauche et à droite.
Mon ciel sera dilemme ; la terre sous mes pas sera le fardeau des superbes.
Il n’y aura plus d’autorité quand les vagues aux mains ailées auront cessé d’échouer.
Et ma corde se cassera comme celle des penduz et des voix sans réponse.
Je veux.
Je veux tellement que j’ai cessé de prier.
Si tu me tends ta main je la prendrai comme un vertige.
Je chevaucherai les marches inassouvies de mes sanglots.
Je ne t’attends pas.
Je ne te cherche pas.
Je ne te dévore pas.
Je ne te saisis pas.
Je ne te suis pas.
Je ne te veux pas.
Je ne t’aime pas.
Mon amour n’est pas un chien qui aboie pour être libre.
Je n’aurai pas d’amour.
La neige fond sur l’enclume des baisers.
Le printemps a connu.
Les colombes s’évadent : les cimes et les nuages sont le vol généreux des mains impuissantes.
Je te regarde en face.
Je te défie.
Je veux que tu paries sur mon épaule.
Je veux que tu paries sur mes joues sans honte.
Je veux que tu paries sur mes pas amoureux par imprudence.
Va-t’en si tu fais de moi ton esclave et le bourreau des siècles.
Si ta parole est plus que parole et si ta lumière est le feu des cathédrales arrogantes, j’accepte ton amitié.
Le perroquet sera mis en cage.
Le feu ne sera pas dans vos mains ni dans vos prisons.
Je cheminerai à tes côtés avec une oreille attentive, une porte sanglante et une faille à la hanche et un seuil sur la bouche.
Je te causerai des chagrins.
J’amasserai des charbons ardents sur ma tête et je libérerai des chars aux nombreux chevaux sous mes pieds en feu.
Sois le cerf porteur de forêts ombragées et interdites.
Sois une aventure.
Tiens les ténèbres sur ta tête comme une couronne sans gloire.
Je te regarderai alors dans les yeux jusqu’au bout des hasards.
Attends-moi.
Tu es plus rapide que moi car je regarde les mousses oubliées sur le bord du chemin.
Tu as le pas léger et j’ai le pas lourd comme une hirondelle d’hiver.
Je veux un temps nouveau.
L’intérieur de la coupe ne sera pas purifié : le vin y est débordant comme une promesse.
Je ne tiens pas mes promesses.
Je ne sers que le cerisier qui soupire et expire sur les chemins sans promesse.
Je veux l’impossible.
Je demande le possible à chaque instant mais je me prépare comme une traîtresse aux mains vides à t’arracher ma vie.
Ma vie osera se murmurer dans les oreilles des chevaux libres.
Je veux que le monde soit délivré.
Je veux que lae puissantx tombe sur le torrent des vivantz comme un soleil pleureur.
Je veux que la lettre disparaisse si elle sert à compter.
Mon écriture est sable jeté aux yeux. Ma parole est renard : tu ne la captureras pas.
toi qui te tais et détournes les yeux aujourd’hui
ce que tu laisses derrière tes pas te dévisagera
un cadavre d’enfant sous l’olivier
l’ombre de l’olivier pèse moins lourd
que son corps
Gaza
il pleut de la mort sur la ville
les enfants dansaient les pieds plus légers que la pluie autrefois
lorsque l’enfant était autorisé dans leurs yeux
lorsqu’ils avaient
des cerf-volants
la liberté
au bout des doigts
lorsque l’enfant était autorisé dans leurs yeux
ces petits porteurs d’étoiles assassinées
traînent aujourd’hui devant leurs pas des aubes classées sans suite
tu les arrêtes à la frontière
des lendemains
tu n’acceptes pas les migrations vers l’avenir
les passagers clandestins
de l’espérance
par ton silence
tu as volé la terre sous leurs pieds
le ciel sous leur danse
la vie
et même les larmes de l’enterrement
et même l’enterrement
il n’y a plus que le silence d’une mère
il crie plus fort que le tien
bien qu’on ne lui tende aucun micro
qu’il soit murmuré comme un secret
une prière
dans le creux d’une main
impuissante
8 mars
ou plutôt printemps
ou plutôt chaque jour
hélas
elles sont mortes
et je m’en souviens
la pluie laisse tomber ses dents de lait
sur le fragile roseau de mes os
dans l’herbe bleue
j’ai entendu les ancêtres pleurer
les femmes aux racines grises et à la mèche blanche
toujours vive
cela ne faisait pas plus de bruit que les poussières
que l’on voit tourner en rond jusqu’à la chute
dans un rayon de soleil
je n’oublie pas vos servitudes
j’ai aperçu peut-être les cerisiers voler en éclats en cendres
comme des squelettes blancs et brisés
j’ai vu le charnier du printemps
et le magnolia qui perd ses paupières roses
elles sont mortes
j’ai vu la dentelle délicate des toiles d’araignée
vibrer comme un cœur
ou une voile tendue vers un continent invisible
où nous serions là
exactement
présentes
j’ai vu palpiter les petits poumons pourpres
de la rose que le vent essouffle
j’ai vu osciller doucement dans les courants d’air
tintinnabuler
tel un pendule tendre et vert
ce maëlstrom emmêlé de pétales plus léger
que le nombril d’une nouvelle-née
et que l’on appelle camélia
s’il y a de la rosée dans l’herbe des sentiers
c’est qu’une toute petite poucette a semé ses pleurs pour retrouver
sa route
j’ai vu les lumières scintiller dans une goutte d’eau comme dans des lampions
et l’herbe folle tenait la rosée de lumière avec autant de précaution
qu’une main appliquée de gamine
je me suis souvenue que le printemps me bouscule parfois
et que la transverbération de la pluie tranquille
fait expirer mon cœur dans un cercueil de roses cueillies coupées
et fraîches comme l’herbe qui s’épanche en chuchotements
au-dessus des tombes muettes
ou plutôt encore
inaudibles
je me suis souvenue que le printemps est toujours
ce coup de balai que le vent passe sur le menton blanchi
des disparues
beauté
et bientôt nous croisons son regard
et le tête à tête cesse
avant même que nous ayons atteint son seuil
avant même que le bord de notre regard
ait touché le bord de son être