nuage d’avril

beaucoup de choses ont glissé sur ma langue
elle est maintenant nuage d’avril
trop-plein
trop triste
silence ou même vertige
vertige de se trouver au bord du mot juste de l’effondrement
de la balançoire depuis trop longtemps abandonnée
sous le chêne rouillé
d’un ricochet d’oiseaux vers l’inconnu

le ciel s’est fait enfant et m’a chuchoté
j’ai peur du vide moi aussi
peur de tomber
de m’égratigner
des jeans troués
de la boue
des insectes dans l’écorce du chêne
dans les plis

de la mort

est-ce cela la vie
le nuage inatteignable
qui se déchire dans nos mains trop chaudes trop tristes
comme un pétale de cerisier
quel est le plus difficile à porter
le pétale de cerisier le nuage

notre corps encore presque chaud
c’est un abri qui se brise
une petite maison de campagne qui s’effondre
une promesse non-tenue
un mur qui tombe
une catastrophe

nuage avril ronces bleuâtres magnolias
et rires d’enfants qui trichent encore un peu
sont peut-être plus sérieux que l’heure de mort

poèmes

je n’ai rien pu te dire

tu as enroulé mon soupir sans but
dans des montagnes bleues
j’ai monté les marches errantes du vent
j’ai froissé les papiers de pluie douce
les poèmes
les miettes sans parole jetées sur le chemin
et je n’ai rien pu te dire

pourquoi ton rire a-t-il rompu encore
le pain tendre de mon silence
j’ai entendu ton pas craquer comme la pierre chaude
près du précipice
et tout mon corps a frémi
comme les feuilles pâles de l’olivier
et la toile d’araignée mouillée
la neige brûlante qui s’ébruite dans mes yeux
chaque fois que je te vois
et je n’ai rien pu te dire

j’ai écrit
j’ai écrit une plume qui se rompt
parce que mon désir est tombé
comme une pomme rouge sur ma joue
j’ai cédé
et je n’ai rien pu te dire

car oui mon miroir est poli comme une larme
il reflète
des aubes
des roses transparentes
la joue muette de l’amour
il te suit comme les paumes blanches des rivières
quand les eaux grises ivres
se fondent dans le jour
les paumes vides et transparentes
et les fontaines qui n’exaucent pas
et je n’ai rien pu te dire

c’est l’aube sur ta nuque
tes cheveux se sont noués et dénoués
il y avait des farandoles de ténèbres dansantes
main dans la main mes soupirs
ont dévalé la ligne de ton visage inatteignable
j’ai écrit une ligne
plus tendue de soupirs que la flèche du matin
et je n’ai rien pu te dire

il y a un matin blanc dans ta main
la colline se courbe docile
les cyprès ont la jambe lourde
une virgule de vert
un bégaiement au cœur
et la cloche de matines a le ventre si profond
que le désir y est presque sourd
et je n’ai rien pu te dire

j’ai vu des paysages
renversés
et mon cœur lourd comme le raisin sucré
pendu à tes lèvres
et le soleil plus bas
que les cimes sombres de ton sourcil
et l’encens nocturne
des brumes qui me couvrent
comme le sable mouvant de ton ombre secrète
et les vignes de ces lignes qui me montent jusqu’au cœur
jusqu’à la gorge souffle coupé
un couteau de parfum
à en perdre la voix
et je n’ai rien pu te dire

voici l’aube
les étoiles sont légères
quand on ne les compte plus
qui a déjà osé courir
entre les troupeaux solaires de ton rire
et la rosée lointaine de ton visage
qui me fond sur les yeux
qui a perdu les cailloux blancs
sur les sentiers
parmi les saules aux mains timides
les rivières troubles de soleil leur ont échappé
parce que je ne sais rien du soleil
parce que je ne t’ai jamais nommée
parce que ton nom est interdit
et je n’ai rien pu te dire

je ne sais que la paupière qui ploie
comme une colline couleur tristesse
le vent a bruissé
comme ta main qui n’a jamais bu dans la mienne
les prairies ont les ailes perdues
l’amour remue les herbes tremblantes de ma voix
et je n’ai rien pu te dire

poèmes

zad

autrefois mes paroles de raison coulaient
aujourd’hui elles heurtent
elles sont comme le torrent
qui se fracasse contre les cœurs de terre
et de pierre
et même les cœurs secs hors sol hors soleil
qui ont oublié ce que signifie terre
elles courent comme pour devancer
la fin du monde
ou pour fuir le désespoir de ne jamais réussir
à devancer la fin du monde
elles éclaboussent les bords
les marges
les zones indéfendables
les zones de l’ombre

elles atteignent l’attention parfois
des hors d’atteinte des
zones
à
déconstruire

je veux maintenant chanter comme on hurle à l’amour
je réclame le droit de rêve
et de manifester
l’épiphanie des coups de gueule de foudre
seulz les anges en colère méritent notre attention
car ce monde se porte si mal que cellui qui le refuse
activement
crée plus que cellui qui l’a créé

Je ne veux pas ressembler aux
humainz
sans
brisures ni
crises

car j’ai toujours écrit au seuil des tempêtes
avec des catastrophes au-dessus de la tête
et des raz-de-marée de ras-le-bol de colère
dans la voix
j’ai cousu ma bouche
avec le fil incandescent
des plumes sans-voix
condamnées au silence à perpétuité
discréditées
invalidées
jusqu’à ce que nos prisons de mots convenus
et de normes harmonieuses armées
d’ordre total
de beauté policière
sans autre dissonance que nos larmes inécoutées
soient désécrites
jusqu’à ce que nous ayons compris
que les poèmes qui crient
sont ceux auxquels on n’a jamais donné le droit
de chanter

all
cacophonies
are
beautiful

je lève le poing comme un point d’interrogation à l’avenir
plus tard nous les sans-voix qui crions crassement
nous mourrons sans odeur
de sainteté
moi je voudrai que l’odeur de nos mains meurtries sorte de terre
sans repos
sans aucune paix tant que le monde sera sans aucune paix
que la terre enfantôme l’avenir
accouche de nos cris mort-nés
se souvienne de nos rêves inachevés
nous laisserons derrière nous une raison hantée
nous serons la conscience qui ruine les âmes bien nées
nous serons de ces silences qui ont trop parlé

mémoire des luttes passées
reste
indéfiniment
prête
redis/rumine
indéfiniment tes
promesses
recommence
indéfiniment à
parler/protester/prophétiser ou
ris
insolemment de ta
postérité

mais ne te laisse surtout pas
reposer en paix – car ce serait mourir une seconde fois

à quoi bon écrire aujourd’hui des livres
que personne ne souhaite brûler

je désire une

révolte
inflammablement
poétique

ce qui n’a pas la possibilité d’être littéral
de peur d’être raturé
c’est la littérature

parle par métaphores pour porter jusqu’au dehors
où nos zones de conformité
et nos portes de raison de prison
subversivement s’achèvent jusque hors des limites
infinies du langage nos paroles abruptes
étonnamment vivantes

c’est ce que j’ai toujours donné à la poésie
un impératif presque inutile
un ordre quasi bordélique

atteinte à l’ordre poétique
à chaque jeu de mot nous jouons à balles
réelles
ne faisons pas de poésie digne de ce nom
mais une poésie indignée
pourquoi donc la beauté dans un monde qui la détruit sans cesse

le bon goût est un mensonge
dans la bouche de qui a goûté la lie des fins des temps
hurlons désaccordons
ne faisons pas de jolis vers ni de poèmes qui élèvent l’âme
ce serait lui promettre des lendemains qui mentent

la beauté seule ne sauvera pas le monde

poèmes

au point de nuit

au point de nuit
j’ai bu le café noir de l’aurore
la brume amère pelure d’orange
triste
tombait sur les collines
il y avait un chemin
dans la terre brune où l’avenir
et les promesses
avaient laissé leurs traces de pas

poèmes
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