Tu as enroulé mon soupir sans but
dans des montagnes bleues
j’ai monté les marches errantes du vent
j’ai froissé les papiers de pluie douce
les poèmes
les miettes sans parole jetées sur le chemin
et je n’ai rien pu te dire
Pourquoi ton rire a-t-il rompu encore
le pain tendre de mon silence ?
j’ai entendu ton pas craquer comme la pierre chaude
près du précipice
et tout mon corps a frémi
comme les feuilles pâles de l’olivier
et la toile d’araignée mouillée
la neige brûlante qui s’ébruite dans mes yeux
chaque fois que je te vois
et je n’ai rien pu te dire
J’ai écrit
j’ai écrit une plume qui se rompt
parce que mon désir est tombé
comme une pomme rouge sur ma joue
j’ai cédé
et je n’ai rien pu te dire
Car oui mon miroir est poli comme une larme
il reflète
des aubes
des roses transparentes
la joue muette de l’amour
il te suit comme les paumes blanches des rivières
quand les eaux grises de désir
se fondent dans le jour
les paumes vides et transparentes
et les fontaines qui n’exaucent pas
et je n’ai rien pu te dire
C’est l’aube sur ta nuque
tes cheveux se sont noués et dénoués
il y avait des farandoles de ténèbres dansantes
main dans la main mes soupirs
ont dévalé la ligne de ton visage inatteignable
j’ai écrit une ligne
plus tendue de soupirs que la flèche du matin
et je n’ai rien pu te dire
Il y a un matin blanc dans ta main
la colline se courbe docile
les cyprès ont la jambe lourde
une virgule de vert
un bégaiement au cœur
et la cloche de matines a le ventre si profond
que le désir y est presque sourd
et je n’ai rien pu te dire
J’ai vu des paysages
renversés
et mon cœur lourd comme le raisin sucré
pendu à tes lèvres
et le soleil plus bas
que les cimes sombres de ton sourcil
et l’encens nocturne
des brumes qui me couvrent
comme le sable mouvant de ton ombre secrète
et les vignes de ces lignes qui me montent jusqu’au cœur
jusqu’à la gorge souffle coupé
un couteau de parfum
à en perdre la voix
et je n’ai rien pu te dire
Voici l’aube
les étoiles sont légères
quand on ne les compte plus
qui a déjà osé courir
entre les troupeaux solaires de ton rire
et la rosée lointaine de ton visage
qui me fond sur les yeux ?
qui a perdu les cailloux blancs
sur les sentiers
parmi les saules aux mains timides ?
les rivières troubles de soleil leur ont échappé
parce que je ne sais rien du soleil
parce que je ne t’ai jamais nommée
parce que ton nom est interdit
et je n’ai rien pu te dire
Je ne sais que la paupière qui ploie
comme une colline couleur tristesse
le vent a bruissé
comme ta main qui n’a jamais bu dans la mienne
les prairies ont les ailes perdues
l’amour remue les herbes tremblantes de ma voix
et je n’ai rien pu te dire