enfance

il y a dans ma bouche un lourd noyau de silence
il ne se mange pas
sous peine de mort

voilà l’enfant

la baguette vibre comme une voix invisible
près de l’if du jardin
la source a été bue par une langue étrangère
il reste des cailloux dans une flaque
qui tracent un amphithéâtre de cercles vides
tragiques

je jouais avec les pierres
parce que je ne voulais pas leur ressembler
enfant
aujourd’hui j’ai cessé de jouer
et j’ai construit des murs pour que leurs ombres cachent
mon ombre

ma prison avait du vent entre les dents
pour pleurer sans bruit
c’est pour cela que j’ai rêvé
jusqu’à user la corde à mon cou

enfance

c’était le temps où les chemins mangés jusqu’à l’os
échappaient encore à mes pas trop sonores
comme des serpents amoureux
le temps où l’on replie la lettre chaude de soucis
qu’a laissée l’aube sur nos fronts
demain existera dit-on

premier pas hors de la lune

mais je sais que l’avenir se réveille
quand il craint de ne plus rêver

j’ai caché dans mes poches des foulards sans nœud
et tout ce qui est sans nœud ressemble à un oiseau
c’est ma seule innocence
et quand j’étais enfant je ne fermais jamais les yeux
par peur du noir

exil

j’ai oublié tous les pays de mes yeux sans frontière

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