La terre rumine
tous les mots qu’elle ne pourra jamais dire.
Peut-être a-t-elle cessé de parler
car les plus riches
ont dit : « Je la possède. »
Or, quel bien, quel objet a déjà parlé ?
Qui parmi eux
sera assez courageuxe
pour converser en tête à tête
avec sa boue ?
J’ai vu autour de moi
des fleurs fraîches de douleur,
des arbres
qui se cachaient les yeux.
Et les brins d’herbe se réchauffent
comme des braises vertes ;
aujourd’hui le soleil
ne nous dit plus : « Il est l’heure de vivre. »
Car demain le soleil se lèvera
hors de nos yeux morts.
Après l’être humain,
la terre existera, les autres animaux vivront
peut-être ;
les fleurs seront là aussi sans doute
pour se regarder les yeux clos,
ouvrir leur cervelle de pétales
qui pense au silence.
Il n’y aura plus de mot pour nommer :
la terre sera sans écho,
la rose sans nom.
Le printemps sans « printemps. »