si je me tais

à C.

si je me tais si je bégaye devant toi
c’est parce qu’une fleur est née dans ma bouche
aussi mon silence est parfum
et ma fleur est désir

poèmes

si le temps a filé

à C.

si le temps a filé entre mes doigts
n’y laissant plus qu’un cordon
d’eau amère
j’ai vu dans tes yeux une graine de lumière
qui semblait dire au temps une promesse
qu’était-ce était-ce
une graine
était-ce le printemps de bois vert
était-ce la cathédrale horizontale d’une rivière
alors la rivière s’échappe de tes yeux
c’est la rivière qui joue
entre les pierres et ferait pleurer jusqu’aux cœurs
les plus arides
c’est le printemps qui sourit au bord des cerisiers
c’est peut-être la graine qui dit au temps

je te promets quelque chose
quelque chose
que tu n’as jamais vu
crois-moi dans ma gangue
et ma langue
et ma chair
il y a des branches pour embrasser le ciel
pour fleurir comme mille oiseaux

elle me dit à moi

je n’ai jamais aimé autre chose que dormir
au centre des yeux de l’amour
un jour je me réveillerai et nous serons
ces phénix d’eau fraîche qui ne connaissent
que les lendemains et les aujourd’hui
devant le sillon de cendres
qui précède toute aurore

voilà ce que me dit la petite graine qui dort
dans tes yeux comme dans l’humus aérien
d’une grâce humainement
autre

est-ce une graine
est-ce le printemps de bois vert
ou bien la colonne couchée d’une rivière
ton regard ne dort plus depuis qu’il est là
dans le mien

poèmes

si tu veux m’étreindre

à C.

si tu veux m’étreindre
les yeux par-dessus bord
quand les mots n’ont plus d’autre prise
que des soupirs
quand la paupière tangue
comme une barque qui prend l’eau
et quand le regard sort de lui-même
comme le survivant d’une maison en feu
s’il te plaît prends cette petite clef d’ombre
que j’ai laissée sur le pas de la porte
huile les gonds
donne à manger au chien et au chat
fais de tes yeux une rivière
que mille bœufs assoiffés ne pourraient tarir
et de tes cheveux une forêt

entre

poèmes

je marche

je marche sur le miroir clair des mots
c’est un lac gelé dont l’eau a cessé de s’agiter
et qui cache dans ses profondeurs des montagnes d’abîme

poèmes

nos ombres les plus terribles

à L.

l’abîme de tes yeux
contemple mon abîme

paume contre paume œil contre œil
nuit contre nuit

nos ombres les plus terribles
nous suivent comme des racines
des amies d’enfance

tu m’as dit
le bonheur est là
il est tellement proche
que je ne le trouve pas

je te réponds aujourd’hui

le bonheur n’est qu’un bel endormi
on craint de le réveiller
il suffirait de rien
pour qu’il ouvre les yeux
et dise

je suis ici
aime-moi

mais alors dis-moi
n’aurait-on pas tout perdu

poèmes
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