Il y avait au pays une jeune fille qui avait un grand voile sur le visage, un voile couleur de nuage. Sa peau était noire, son regard sombre comme une pluie d’orage. On disait d’elle : « C’est une étrangère. » De ses parentz aussi on disait : « Ce sont des étrangerz. » Et un jour on voulut les chasser. « Hors de question », dit la jeune fille. Mais elle n’eut bientôt pas le choix : elle fut bannie du pays et dut partir avec ses parentz vers la mer.
Sur la route qui devait la conduire jusqu’à la mer, elle vit un petit caillou noir au milieu des cailloux blancs. Elle dit : « Petit caillou, petit caillou, comment fais-tu pour être un caillou noir parmi les cailloux blancs ? » Le caillou lui répondit : « Prends-moi dans ta poche et je te donnerai bientôt la réponse. » Alors, la jeune fille ni une ni deux prit le caillou, le mit dans sa poche, après quoi elle poursuivit sa route avec ses parentz.
Plus loin, elle rencontra une colombe noire parmi les colombes blanches. Elle dit : « Petite colombe, petite colombe, comment fais-tu pour être une colombe noire parmi les colombes blanches ? » La colombe lui répondit : « Prends-moi sur ton épaule et je te donnerai bientôt la réponse. » Alors, la jeune fille ni une ni deux prit la colombe sur son épaule, après quoi elle poursuivit sa route avec ses parentz.
Quelques instants s’écoulèrent, quand elle vit bientôt à ses pieds parmi les marguerites blanches, une marguerite noire. Elle dit : « Petite marguerite, petite marguerite, comment fais-tu pour être une marguerite noire parmi les marguerites blanches ? » La marguerite lui répondit : « Cueille-moi, mets-moi dans tes cheveux et je te donnerai bientôt la réponse. » Alors, la jeune fille ni une ni deux cueillit la marguerite noire, la mit dans ses cheveux et poursuivit sa route avec ses parentz.
Bientôt, elle arriva devant la mer.
Le caillou noir lui dit alors : « Jette-moi dans la mer pour faire des ricochets. » La jeune fille s’exécuta, et le caillou rebondit sur les vagues, une fois, deux fois, trois fois jusqu’à disparaître.
La colombe noire lui dit alors : « Lance-moi vers le ciel pour que je m’envole. » La jeune fille s’exécuta, et la colombe s’envola, battant de l’aile, une fois, deux fois, trois fois jusqu’à disparaître.
La marguerite noire lui dit alors : « Enlève mes pétales un par un par pour que je te dise si l’on t’aime ou non. » La jeune fille s’exécuta, enlevant chaque pétale, les arrachant une fois, deux fois, trois fois jusqu’à ce que la marguerite fut entièrement défaite.
Après cela, elle se lamenta : « Ils m’avaient promis une réponse ! Mais je les ai perdus désormais.»
Alors, une voix venue de la mer, du ciel et de la terre lui dit : « Le caillou que tu as jeté dans la mer, c’est l’exilae qui traverse les eaux. La colombe que tu as élevée vers le ciel, c’est lae persécutae qui rend son âme à Diex. La marguerite que tu as dépouillée, c’est l’opprimae que l’on tourmente. »
La jeune fille demanda : « Que dois-je faire à présent ? »
La voix répondit : « Retrouve le caillou englouti par les flots, empêche la colombe de s’enfuir davantage et redonne sa parure au cœur de la marguerite. — Mais c’est impossible ! s’exclama la jeune fille. Ne puis-je pas faire autre chose ? — Si, mais c’est une chose plus difficile encore. — Dis-la moi. — Ne laisse pas ta voix être engloutie par le silence ; ne t’enfuis pas face à ce monde, en y préférant le ciel, quand bien même serait-il injuste ; et redonne à ton cœur tout dépouillé dignité et force. »
La jeune fille fut bientôt contrainte de traverser la mer. Le reste de l’histoire est encore à écrire.