Dans mon jardin

À C.

J’aimerais te bercer entre les ombres violettes
de mon jardin – un jardin clos,
un jardin qui ne s’ouvre que pour toi,
un jardin de silence dont le verrou se pose
comme un doigt sur les lèvres.

Dans mon jardin, il y a des herbes sauvages,
des coquelicots qui dansent,
et des lavandes bleues ;
tout y est calme et doux comme dans un songe :
on y marche sur la pointe des pieds,
à pas de loup, à pas d’oiseau,
pour ne pas réveiller l’amour.

Dans mon jardin, il y a des fontaines à l’eau claire,
une petite rivière couleur de lait
et sur cette rivière un pont de bois pourpre ;
dans mon jardin, il y a un sanctuaire entre les plis
des chênes noueux où le vent souffle
comme un soupir amoureux ;
dans ce bois sombre, il y a les clairières écarquillées
de mes yeux :
ils sont remplis de la lumière
de maon bien-aimae.

Sur le tapis des fougères sombres,
je t’enlacerai avec une douceur ineffable ;
je te saisirai et capturerai ta bouche,
et tu captureras la mienne ;
et mon âme sera dans ton âme,
et ma voix dans tes oreilles,
et le battement de mon cœur dans ton cœur,
comme un grillon dans les mains des bergerz,
un petit rossignol dans une cage de roseaux.

Et le bois sacré se taira :
le silence n’est-il pas un écho de l’amour ?

Là, je te donnerai jusqu’à l’ivresse
des bouquets de baisers parfumés et les épines amères,
je les garderai pour moi – je ne crois pas en avoir vues :
mais depuis que tu es partix,
quelque chose me blesse ;
mon jardin a gelé,
l’été n’y chante plus et si j’entends parfois le vent
remuer les branches des pins,
c’est parce ton visage est absent
et que l’air tente encore
d’épeler ton parfum.

Les jours passeront ; moi je te chercherai
jusque dans le vallon bleu des nuits d’été :
oserai-je encore appeler cela « été »
alors que le pinceau du soleil
ne se trempe plus dans les rivières ?
que les paupières roses du jour sont closes ?

Quand te reverrai-je ?
Ta bouche est une coupe de vin exquis
où j’ai goûté le parfum de l’oubli ;
ai-je oublié mon hier depuis que je connais
ton aujourd’hui ?

Dans mon jardin, il y a du miel délicieux et du lait :
pourquoi as-tu quitté mon jardin ?
J’aimerais te dire de revenir,
mais comme un médaillon sur ma poitrine,
une goutte de cire chaude sur le sein de l’amour,
je porte la trace de ton cœur sur le mien.

Je ne te demanderai plus pourquoi tu as quitté mon jardin,
j’y vois encore les traces fraîches et nues de tes pas,
formant des gouffres mélancoliques,
près des lavandes en larmes,
et je sais que pour les remplir,
tu reviendras dans mon jardin !

Seul un « quand ? » s’est glissé dans mon cœur,
comme la guêpe dans la poire sauvage.

Je t’aime plus loin qu’où mes soupirs peuvent aller,
et plus loin qu’où mes mots peuvent percer,
plus loin que la lisière de ma bouche,
plus loin que le seuil du silence.

De petites allées traversent mon jardin
que tu n’as jamais parcourues ;
on y trouve aussi des oiseaux que tu n’as jamais entendus,
et des fleurs que tu n’as jamais respirées.

Ma tristesse n’est que passagère :
elle m’est presque douce,
puisque c’est l’amour qui l’inspire,
et que je sais le remède proche.

Dans mon jardin, il n’y a pas de vipère,
seulement des couleuvres inquiètes,
qui coulent sur la joue,
y laissant un sillon de sanglots,
les orties y bruissent entre les doigts
comme le velours des souvenirs.

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