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Celle qui cherchait le ciel

Une jeune femme du nom de Yahto errait dans le village : elle tournait en rond. Parfois, on s’arrêtait près d’elle et on lui demandait : « Que cherches-tu ? » A cela elle répondait : « Quelque chose que j’ai perdu. » On lui demandait encore : « Et ce quelque chose, de quoi s’agit-il ? » Ce à quoi elle répondait : « J’ai perdu le ciel. »

Elle continuait d’errer ainsi quand une vieille femme se présenta : « Ce n’est pas le nez en l’air que tu vas retrouver ce que tu as perdu ! »

Yahto regarda au sol.

Comme il avait beaucoup plu, elle n’eut pas fait trois pas qu’elle aperçut une flaque d’eau. Et dedans, elle vit le ciel.

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Serpent de vérité

Il y avait dans mon pays une fontaine aux rêves. Dans son eau se mirait le ciel d’en haut qui devenait le ciel d’en bas. Or, à cette époque, le ciel était habité : on y trouvait forêts, vallons, océans, montagnes et déserts ; on y trouvait aussi les animaux à quatre pattes et les animaux qui rampent, et les oiseaux, et les poissons.

On y trouvait aussi Diex, et les choses belles d’en haut n’étaient que son imagination qu’iel avait fait descendre sur terre pour la rendre vivante.

Un jour, Serpent s’approcha de la fontaine aux rêves. Il passa son visage dedans pour se rafraîchir, et l’eau se brouilla ; et le ciel devint tout trouble, et les humanes cessèrent de le rêver ; car la fontaine aux rêves le reflétait comme une chose trouble.

On accusa Serpent. Les humanes furent les premierz à vouloir le mettre à mort. Mais Serpent pleurant des larmes de serpent dit aux humanes : « Ne me tuez pas, car grâce à moi, grâce à moi… – Grâce à toi, grâce à toi ? demandèrent les humanes. Où veux-tu en venir ? – Grâce à moi, grâce à moi… » bredouillait le serpent en pleurs.

Soudain, l’idée lui vint. Il dit : « Grâce à moi, vous cesserez de comparer les choses d’ici aux choses d’en haut : vous n’aurez plus honte de votre chair ni de sa lie, ni des crachats et du vomi de vos enfants. Quelle est la vraie forêt entre celle qui prend racine dans la boue et celle qui prend racine dans le ciel ? Quelle est la vraie vie, celle éternelle ou celle qui se termine par la mort ? »

L’ane des humanes dit : « Il blasphème. » Et Serpent répondit : « Votre blasphème est pire que le mien. »

Il agita sa queue et glissant entre les mains de ses bourreaux, il parvint à s’enfuir.

On dit que la vérité depuis ce jour nous échappe comme Serpent des mains de ses bourreaux. Et il arrive parfois à cette vérité de parler entre ses larmes quand on veut la mettre à mort.

La vérité du ciel a-t-elle déjà pleuré ?

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La Vérité

Il était une fois un homme qui pensait avoir vu la Vérité. Il descendit de sa montagne et se rendit dans la ville la plus proche : « Je connais la Vérité. Ecoutez-moi et vous deviendrez sages. » On se moqua de lui et personne ne l’écouta.

Enfin, une vieille femme du nom de Sadhana s’approcha de lui : « Alors, comme ça tu as vu la Vérité ? » L’homme répondit : « Oui. »

Sadhana éclata de rire : « Si tu as vraiment vu la Vérité, tu devrais savoir que personne ici ne l’écoutera. Et supposons même qu’on t’écoute, ce serait parfaitement inutile : ces gens qui n’ont pas vu la Vérité, à quoi leur servirait-il de la connaître par ouï-dire ? A ta place, je retournerais dans la montagne, car tu n’as pas encore vu la Vérité. »

L’homme repartit dans la montagne.

Dix ans plus tard, il revint parmi les habitantz de la ville proche de la montagne. Là, on l’interrogea : « Qu’as-tu vu dans la montagne ? »

L’homme ne répondit rien.

Sadhana, maintenant très vieille et proche de la mort, dit alors : « Cet homme se tait ; c’est qu’il a vu la Vérité. N’écoutez pas les paroles des prophètex et des inspiraes : n’écoutez que leur silence. »

L’homme dit alors : « Oh non, je n’ai pas vu la Vérité. L’aurais-je vue que je serais resté près d’elle. Si je suis redescendu, c’est parce que j’ai échoué. N’écoutez pas les paroles des gens qui viennent vous enseigner : seulz les absentz ont raison. »

Sadhana répondit : « Triple idiot ! Dis plutôt que tu as bien fait de redescendre ! Crois-tu vraiment que la vérité se cache sur les montagnes ? Dis-moi : quel est l’intérêt d’une vérité qu’on ne trouverait que dans des hauteurs inatteignables ? »

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Dans les plaines et sur les montagnes

Une jeune femme allait par les plaines. Tandis qu’elle marchait, des milliers de questions lui assaillaient l’esprit sur la vie, sur la mort, sur Diex et sur la nature de ses anges.

Elle continuait de marcher ainsi quand elle arriva bientôt au pied d’une grande montagne. Près de cette montagne se trouvait une vieille cabane dans laquelle une sainte femme vivait.

La jeune fille lui confia ses tourments, ses interrogations, et la sainte femme répondit : « Si tu veux trouver un remède à ta peine, commence à gravir la montagne. Tu trouveras la réponse dans les hauteurs. »

La jeune fille s’empara d’un bâton et commença à marcher sur le flanc raide de la montagne. Elle marcha, marcha, mais les questions continuaient de torturer son esprit : « Pourquoi y a-t-il ane Diex ? Comment traverser la mort ? Quelle est l’origine du mal dans le monde ? », et cætera.

A un moment donné, elle sentit ses jambes la faire souffrir ; et plus elle grimpait dans les hauteurs, plus elle s’approchait des nuages et du ciel, plus ses jambes lui faisaient mal. Au bout de plusieurs heures, les questions qu’il y avait dans sa tête étaient les suivantes : « Quand arriverai-je là-haut ? Quand mes jambes cesseront-elles de me faire souffrir ? Comment apaiser ma souffrance ? »

Alors, elle comprit.

Elle eut un grand éclat de rire, et revint sur ses pas, dévala la pente d’un pas allègre et se rendit jusqu’à la cabane de la sainte femme : « Je te remercie, sainte femme, de m’avoir incitée à prendre le chemin escarpé de la montagne. Plus je me suis élevée, plus mon corps s’est appesanti ; au bout de quelques heures, j’ai compris que la question la plus importante n’était pas de savoir qui est Diex, ce qu’il y a après la mort, ou d’autres choses semblables, mais plutôt de savoir comment éliminer la souffrance de ses jambes quand ces dernières souffrent. C’est pourquoi je suis redescendue. »

Et la sainte femme de répondre : « Tâche de ne plus trop te poser de questions désormais. Les questions les plus importantes n’apparaissent pas dans les plaines mais sur les montagnes. »

Et les deux femmes se quittèrent.

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L’âme du noyer

Une petite fille avait mis son âme dans un noyer. L’âme vivait là comme un oiseau nocturne, dans le trou du tronc. Impossible de la voir !

Les années s’écoulèrent.

Et quand la jeune fille voulait connaître son âme, elle disait au noyer : « Arbre de l’ombre, arbre de l’ombre, dis-moi mon âme. » Et alors, le noyer répondait : « Fille du diable, fille du diable, t’es-tu donc oubliée ? ton âme, c’est le chant des oiseaux ; c’est le vent qui bondit dans mes branches ; c’est le soleil qui s’est caché dans mes cheveux. »

La jeune fille s’en retournait alors dans son village, cœur ballant, œil léger.

Un jour, un beau jeune homme voulut en faire son épouse. Le père de la jeune fille accepta.

Il y eut les noces, puis quand la nuit vint se faufiler, la jeune fille dit à son mari : « Laisse-moi aller dehors, par la brune. – Comment donc ? lui dit son mari. Pourquoi veux-tu aller par la brune alors qu’il y a du feu et des brûlements ici ? – Quand bien même me tisserais-tu des étoiles, je veux aller par la brune. »

Alors, le mari soupira puis la laissa partir – il décida néanmoins de la faire suivre.

Lorsque la jeune fille fut dehors, elle se précipita vers la forêt et se rendit à l’ombre du noyer. Elle dit alors : « Arbre de l’ombre, arbre de l’ombre, dis-moi mon âme. »

Le noyer ne répondit pas.

Et toute esseulée, ensanglotée, la jeune fille rentra. A l’aube, le mari apprit tout.

Il vint avec une hache sur les lieux tandis que la jeune fille dormait.

Il décapita le noyer et l’âme de la jeune fille s’envola, comme un oiseau nocturne, vers un lieu inconnu.

Quand la jeune fille se réveilla, elle se rendit près du noyer et ne vit rien que la souche terne, œil de mort.

Ivre de larmes, elle se précipita vers une falaise : « Vais-je me jeter dans l’air vide ? » A peine eut- elle dit cela que son corps éclata comme un feuillage, une floraison : ses cheveux montèrent jusqu’à l’aube et ses pieds descendirent jusqu’aux ossements enfouis d’antan.

Quant à sa bouche, elle est restée là sur terre pour me dire cette histoire quand les oiseaux chantent, quand le vent bondit, quand le soleil se cache entre les arbres.

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