Un jour, une femme dit à une autre : « J’ai attrapé la lune, et l’ai mise dans une jarre qui se trouve dans la cour de ma maison. » L’autre femme demanda à voir la lune capturée. Alors, la première femme fit venir l’autre dans la cour de sa maison, pendant la nuit, et lui montra la jarre : elle était remplie d’eau et on y voyait danser dans les courants d’air, un reflet de lune. Alors, l’autre femme dit : « Je vais emporter cette jarre chez moi. » Elle prit la jarre, la porta sur sa tête, mais quand elle la posa chez elle, dans son jardin, il n’y avait plus de lune.
Le lendemain matin, elle se leva de bonne heure, au moment de l’aurore, et vit dans la jarre des nuages couleur or : elle voulut faire cadeau de ces nuages à son amie, et décida de les emporter chez elle. Elle posa donc la jarre sur sa tête, mais quand elle fut chez son amie, et quand elle eut posé la jarre dans la cour de sa maison, elle se rendit compte que les nuages couleur or avaient disparu. A la place des nuages se reflétait dans la jarre un ciel tout bleu. Son amie lui dit : « Voici que tu me donnes un ciel tout bleu en échange de la lune que je t’ai donnée hier ! »
Et la femme qui la veille s’était vantée d’avoir capturé la lune, le lendemain matin, retourna voir la jarre dans la cour de sa maison pour y retrouver le ciel bleu. Mais elle vit alors dans la jarre une brume claire et grise. « Comme cette brume est belle ! pensa-t-elle. Je vais en faire cadeau à mon amie en échange du ciel bleu qu’elle m’a donné hier. » Elle se rendit chez son amie, avec la jarre d’eau sur la tête, la posa sur le sol mais la brume grise avait disparu ; il pleuvait désormais, il y avait aussi de l’orage et des cercles d’eau se dessinaient dans la jarre remplie d’eau. L’amie fut si heureuse de recevoir ces cercles d’eau qu’elle offrit le lendemain à l’autre femme une jarre remplie de soleil.
Et tous les jours, elles continuèrent de se renvoyer la jarre l’une à l’autre ; et chaque jour, la jarre avait un visage différent ; les deux femmes vieillirent, mais le ciel qu’elles portaient sur leur tête ne prit jamais une ride.