Devant le paradis, une seule entrée, la lumineuse, l’officielle, avec ses portes d’or et ses marches de pierres précieuses. Pourtant, quiconque passe par cette entrée n’entre pas au ciel.
J’en veux pour preuve cette histoire : un jour, un homme se présenta devant la porte. Il y frappa avec beaucoup de courtoisie, une fois, deux fois ; à la fin, il n’osa plus frapper : c’était un homme poli, il préféra attendre qu’on lui ouvre pour ne pas faire de scandale. Et personne ne lui ouvrit.
Quelques temps plus tard, une femme du nom de Graziella, vieille, grosse et édentée, se présenta. Quand l’homme l’aperçut, il pensa : « Quelle femme de mauvaise vie ! Elle ose se présenter ici ! »
Graziella n’essaya même pas de frapper à la porte. Elle vit les fenêtres obscures du paradis, elle décida de grimper jusqu’à l’une d’entre elles ; elle fit un petit bond, s’accrocha à la gouttière du ciel ; et c’est ainsi qu’elle y entra.
Du haut de la fenêtre, elle cria à l’homme : « Il faut cambrioler le ciel quand ses lumières sont éteintes et quand il semble inhabité : le paradis ne se demande pas, il se ravit ! »
L’homme entendit-il son conseil ? Le conte ne le dit pas. Et toi, l’as-tu entendu ? Le conte ne le dit pas non plus.
Quant à moi, je déserte mon conte, je le laisse ici sur le seuil du paradis ; car il est temps pour moi de grimper à mon tour.