Le roi, le serpent et la princesse

Un roi avait une fille. Il disait d’elle : « Je l’aime plus que tout », et il la comblait de cadeaux, il avait même fait construire pour elle un palais d’argent.

Or, une nuit, un serpent se présenta à la fenêtre de la chambre du roi : « Qui es-tu ? lui demanda le roi. – Ne te souviens-tu pas ? lui dit le serpent. Je suis ce que tu as laissé derrière toi. – Va-t-en, lui dit le roi. – Donne-moi la moitié de ton âme et je partirai. »

Le roi terrifié ouvrit ses entrailles et tendit la moitié de son âme toute fumante, après quoi il se rendormit.

Le lendemain matin, il roua sa fille de coups et la mit à la porte. Elle devint mendiante, vagabonde, misérable et une semaine s’écoula.

Au bout de ces sept jours, le roi la fit revenir et la couvrit de cadeaux et de douces paroles, et il lui offrit même un palais d’or.

Sept jours s’écoulèrent ainsi puis il la roua de nouveau de coups et la mit à la porte. La princesse erra dans les ruelles, pieds nus et la bouche assoiffée et sept jours s’écoulèrent.

Au bout de ces sept jours, le roi la fit venir encore une fois, même chose, et il lui offrit un palais en diamant.

La princesse pleura seule à la fenêtre de son palais de diamant : « Que faire ? se lamentait-elle. Dans sept jours, mon père me mettra à la porte et je devrai mendier mon pain dans les rues. »

Alors, à la fenêtre un serpent vint lui rendre visite : « Qui es-tu ? lui demanda la princesse. – Ne me connais-tu pas ? Je suis ce que tu voudras laisser derrière toi. – Va-t-en, lui dit la princesse. – Donne-moi la moitié de ton âme et je partirai – Hors de question. – Dans ce cas, tu devras me regarder les yeux dans les yeux. »

La jeune fille affronta le regard du serpent et ses yeux se pétrifièrent.

Le serpent glissa vers l’extérieur du palais en sifflotant : « Voilà ce qui arrive à qui se retourne derrière soi et à qui me regarde. »

Or, la princesse avec ses yeux de pierre ne pouvait plus rien voir.

Une journée s’écoula et le serpent revint : « Qui es-tu ? lui demanda la princesse. – Ne me connais-tu pas ? Je suis ce que tu voudras laisser derrière toi. – Va-t-en, lui dit la princesse. – Donne-moi la moitié de ton âme et je partirai. – Il n’en est pas question. – Dans ce cas, touche-moi. »

La princesse passa sa main autour du corps du serpent et sa main se pétrifia.

Le serpent rampa hors du palais en sifflotant : « Voilà ce qui arrive à qui se retourne derrière soi et à qui me touche. »

Une journée s’écoula et le serpent encore une fois revint : « Qui es-tu ? lui demanda la princesse. – Ne me connais-tu pas ? Je suis ce que tu voudras laisser derrière toi. – Va-t-en. – Donne-moi la moitié de ton âme et je partirai. – Plutôt mourir. – Dans ce cas, réchauffe-moi avec ton cœur. »

La princesse prit le serpent et le mit contre son cœur et alors plutôt que de devenir de pierre, son cœur devint une fleur de millepertuis, jaune comme le soleil ; elle le sentit vibrer de nouveau ; puis sa main devint de chair et ses yeux pleurèrent.

Et le serpent glissa par la fenêtre sifflotant : « Voilà ce qui arrive à qui se regarde ellui-même et à qui me fait une place dans son cœur. »

La princesse quitta son palais de diamant, cracha au visage de son père une fois, deux fois, trois fois et partit sans se retourner vers un autre pays.

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