Le poids de l’ange

Il était une fois une femme pauvre, étrangère, qu’on surnommait Margot la Folle et qui travaillait dur chaque jour dans les champs pour subvenir à ses besoins.

Dans le pays où elle vivait régnait un monarque puissant et cruel qui ne lui laissait presque rien du fruit de son labeur.

Un jour, Margot fut lasse : elle partit dans la forêt chercher un arbre où se pendre.

Mais alors qu’elle s’apprêtait à glisser son cou dans la corde, ane ange la retint par l’épaule. « Qui es-tu ? lui demanda Margot. – Je suis taon ange, lui dit-il. Bénis ce jour, car désormais si tu fais preuve de bonne volonté, tu n’auras plus de quoi te lamenter. – Que dois-je faire ? lui demanda Margot. – Porte-moi, assume-moi jusqu’au bout et je te rendrai bienheureuse. »

Margot essaya de soulever l’ange : « Comme ce bonheur pèse lourd ! » s’écria-t-elle. Elle s’y reprit à plusieurs fois ; et en fin de compte, elle parvint à hisser l’ange sur ses épaules. L’ange lui dit :

« Sache que désormais tu es gardienne de ta joie : porte-moi toujours sur tes épaules et tu deviendras telle que tu ne t’es jamais connue auparavant. »

Margot acquiesça et pendant des années, elle s’épuisa à porter l’ange partout où elle allait, chez elle, aux champs ou dans son village.

Mais le bonheur ne venait pas. Elle dit à l’ange : « Qui es-tu véritablement ? – Je suis le visage de la perfection, lui répondit l’ange. – Non, réponds-moi pour de bon, lui dit alors Margot. Qui es-tu véritablement ? – Je suis l’envoyae de Diex sur cette terre et je suis là pour ton bien, si tu fais preuve de bonne volonté. – Non, ce n’est pas cela, dit Margot. Qui es-tu véritablement ? »

L’ange fit la grimace une fois, deux fois, trois fois et répondit : « Je suis ta solitude. »

Margot enleva l’ange de ses épaules et s’aperçut bientôt que toux les paysanz, les serfs, et les va-nu- pieds de son village portaient ane ange sur leur dos. Quand les autres virent qu’elle s’en était libérée, iels firent de même.

Iels se rendirent ensuite au château du roi et le détrônèrent.

Une ère de joie commença alors sans qu’il n’y ait besoin d’ange ou de ciel à supporter toux seulx sur ses épaules ; car chaque fois que la solitude se finit, le monde commence.

Et si l’ange n’a jamais appris à dire non, qui d’autre que nous le fera à sa place ?

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