Fleuve de lait et de larmes,
c’est ma naissance.
J’ai bu à la gourde du désespoir ;
j’ai bu :
cela avait un goût violent
comme si j’avais bu le démon.
Il est là dans mon sang,
il fait des va-et-vient
entre mon cœur et mon dos :
il n’attaque jamais face à face le cœur,
il me prend par surprise toujours.
Je lui demande : « Que me veux-tu ? »
Il me répond : « Ma bien-aimée,
Je veux manger ton cœur tout nu. »
Et moi, je lui rétorque :
« Fais, fais mais laisse-moi
un peu de mon cœur
pour que je m’entende vivre. »
Alors le diable me mange le cœur,
entièrement.
Il ne laisse qu’un petit trou et y met
un grillon.
Il me dit : « Quand les beaux jours
reviendront,
tu entendras ton âme chanter. »
Maintenant, le démon est parti
ou presque ;
moi j’attends toujours que l’été
revienne
car je sais qu’en moi,
dans ce trou, ce cœur absent,
détruit,
quelque chose se prépare à chanter.