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De l’autre côté de la rivière

Un jour, une fille se rendit à la porte d’une cabane près de la rivière et y frappa. Une voix lui répondit : « Que viens-tu faire ici ? – Je viens demander ton aide. – Que veux-tu ? – Je veux la lumière. – Qui es-tu ? – Une pauvre âme. – Traverse la rivière. »

On ne la revit plus jamais.

Et il arriva ainsi avec une autre fille, puis un garçon, puis ane garfi, et d’autres, et d’autres ; car toutes les générations y passaient.

Un célèbre théologien vint à visiter la région. Il dit à ses habitantz : « Enfants de Diex, nous devons connaître le fin mot de l’histoire. Faites venir la plus sainte personne du pays. »

On fit venir la plus sainte personne du pays, et le théologien lui dit : « Va-t-en à la cabane. Là-bas, parle et fais ce qu’on t’ordonne, puis reviens me voir pour me dire le fin mot de l’histoire. »

La plus sainte personne du pays se rendit à la cabane, mais ne revint pas.

Le théologien vint lui-même frapper à la porte de la cabane : « Que viens-tu faire ici ? – Je viens chercher la vérité. – Que veux-tu ? – Savoir. – Qui es-tu ? – Un idiot. – Traverse la rivière. »

Il ne revint jamais.

Les années s’écoulèrent, et il arriva que Diex ellui-même voulut se rendre auprès de la cabane du bord de la rivière pour connaître le fin mot de l’histoire. Al frappa à la porte et une voix lui répondit : « Que viens-tu faire ici ? » Diex répondit : « Je viens. – Que veux-tu ? – Je veux. – Qui es-tu ? – Je suis. – Tu n’as pas besoin de moi. Va-t-en » répondit la voix…

J’aimerais pouvoir dire davantage mais si Diex ellui-même ne connaît pas le fin mot de l’histoire, que dire de plus ?

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L’existence de Diex

Un jour, ane jeune lumme interpela ane théologiane : « Je suis sceptique quant à l’existence de Diex. Prouve-moi qu’al existe. — C’est très simple, répondit lae théologiane, Diex n’existe pas. — Pardon ? demanda lae sceptique. — Pourquoi es-tu étonnae ? demanda lae théologiane. — Je m’attendais à ce que tu me démontres son existence. — Si tu crois que je peux te la démontrer, c’est que tu crois en Diex : qu’as-tu besoin de me poser alors toutes ces questions ? »

Plus tard, ane autre jeune lumme interpela lae théologiane en ces termes : « Je suis sceptique comme maon camarade quant à l’existence de Diex », ce à quoi lae théologiane répondit : « Cela tombe bien, car moi aussi. — Et tu te dis lumme de foi et de prière ? — Dans mes prières, je ne fais que demander à Diex : existes-tu ? existes-tu ? — As-tu eu une réponse ? — Penses-tu ? s’esclaffa lae théologiane. J’aurais arrêté depuis bien longtemps de prier si j’avais obtenu une réponse ! »

Un jour, lae même théologiane sortit de sa prière la mine réjouie : « Je détiens enfin la preuve de l’existence de Diex et de sa supériorité ! » Les gens de la ville accoururent : « Donne-nous ta preuve ! », ce à quoi lae théologiane répondit : « Êtes-vous bien dignes de la recevoir ? » Les gens de la ville répondirent : « Oui ! — En êtes-vous sûrz ? Prenez garde à ce que vous dites ! — Non, nous n’en sommes pas dignes, finirent-ils par reconnaître. — Moi non plus, je n’en étais pas digne, dit lae théologiane. Et je sais maintenant à quel point Diex est parfaitx, car si je ne suis pas digne de connaître son existence, c’est qu’elle doit être infiniment supérieure à la mienne. »

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L’initiation manquée

Une vieille coutume ordonnait que chaque jeune femme, chaque jeune lumme et chaque jeune homme du village saute par-dessus un précipice, un immense précipice avant d’être considéré comme ane adulte à part entière.

Hawa ayant atteint l’âge de ses seize ans, se rendit près du précipice. Elle sauta, elle tomba. Comment tomba-t-elle ? il y avait sur le bord du précipice une racine : peut-être avait-elle trébuché dessus. Il y avait un oiseau dans le ciel à ce moment-là : peut-être l’avait-elle regardé et avait-elle été distraite. Il y avait de la pluie ce jour-là : peut-être avait-elle glissé au moment de sauter.

Au fond du précipice, Hawa vivait encore. Elle pria Diex pour qu’al la fasse remonter, mais elle comprit bientôt qu’il était inutile de prier pour avoir la vie sauve : « Si Diex ne me donne pas la vie sauve, dit-elle, je la lui arracherai des mains. »

Alors, elle escalada le précipice. Quand elle fut presque en haut du précipice, elle rencontra la Mort qui lui tendait la main.

La Mort lui dit : « Ta seule chance d’arriver en haut du précipice, c’est d’accepter de prendre ma main. »

Hawa hésita quelques instants, puis lâchant une de ses prises, elle tendit sa main à la Mort. Et la Mort la remonta.

Quand Hawa fut saine et sauve, elle rentra au village. Elle eut droit au mépris de toux, personne ne savait qu’elle avait arraché sa vie des mains de Diex et tenu la main de la Mort, tout cela dans la même journée.

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Un cheveu plus long que le destin

Une jeune fille se vantait dans tout le village ; elle disait : « J’ai un cheveu plus long que le destin. » De telles paroles la faisaient passer pour une insensée. Mais une ancienne du village s’avisa de l’interroger : « Qu’appelles-tu un cheveu plus long que le destin ? » Et la jeune fille répondit : « Si je te montrais ce cheveu, je mourrais ; ane ange m’a bénie à ma naissance en me donnant un cheveu plus long que le destin. Ol m’a dit de ne jamais le montrer à personne, car sinon, la Mort serait jalouse de moi et elle le couperait avec ses ciseaux d’argent. »

Or, il se trouvait que la Mort passait par là à ce moment-là, et elle entendit la jeune fille. La Mort avait de grands ciseaux d’argent ; elle s’approcha de la jeune fille et lui dit : « Si tu me dis où se trouve ton cheveu plus long que le destin, je le couperai certes ; mais je te serai tant reconnaissante de m’avoir donné ton secret que je t’épouserai ; je mêlerai ma chair à la tienne, et tu seras semblable aux divinités. »

La jeune fille montra l’un de ses cheveux à la Mort ; elle lui dit : « Voici mon unique bien, mon cheveu plus long que le destin. » La Mort s’approcha de la jeune fille et le coupa avec ses ciseaux d’argent.

A ce moment-là, le cheveu tomba sur le sol : quand il tomba, il se transforma en serpent. Le serpent semblait en colère ; il mordit la jeune fille qui mourut. Ensuite, il mordit sa propre queue et s’avala lui-même.

L’ancienne du village qui venait d’assister au spectacle ne put s’empêcher d’éprouver de la pitié pour la jeune fille qui était morte sous ses yeux. Elle s’approcha de la Mort : « Si tu ressuscites cette jeune fille, je te donnerai mon plus grand trésor ; je n’en ai jamais parlé à personne. — De quoi s’agit-il ? demanda la Mort. — Promets-moi d’abord que tu ressusciteras la jeune fille. — Je te le promets, répondit la Mort. — Voici : je possède un cheveu plus épais que le ciel. Ane ange m’a bénie à ma naissance en me disant de ne jamais en parler à personne, sans quoi tu serais jalouse de moi et tu le couperais avec tes ciseaux d’argent. Je te l’offre. »

La Mort prit ses ciseaux d’argent et coupa le cheveu plus épais que le ciel, que l’ancienne lui tendait.

Le cheveu tomba à terre et forma une grande brèche dans le sol, dans laquelle l’ancienne du village tomba.

Ensuite, la Mort ouvrit les yeux de la jeune fille. Elle se réveilla mais l’ancienne du village n’était plus là. « Où est la vieille dame ? demanda-t-elle à la Mort. — La vieille dame m’a donné son cheveu plus épais que le ciel de manière à te ressusciter. Pour avoir trahi son secret, elle a été précipitée en enfer. »

La jeune fille pleura amèrement et décida d’aller délivrer l’ancienne.

Elle se rendit donc en enfer. Au milieu des flammes, elle aperçut la vieille dame avec un sourire aux lèvres : « Comment peux-tu sourire, lui demanda la jeune fille, alors que nous sommes en enfer ? » La vieille dame répondit : « C’est l’amour et la compassion qui m’ont fait creuser mon enfer ; c’est l’amour et la compassion qui t’ont fait descendre ici : cet enfer n’est pas l’enfer, mais le paradis. Et ces flammes sont les brûlures de l’amour. » La jeune fille et la vieille dame s’avisèrent néanmoins de revenir au monde des vivantz. Sur leur chemin, elles virent un grain de grenade ; elles avaient faim mais elles se jurèrent de ne rien faire entrer dans leur ventre tant qu’elles ne seraient pas remontées dans le monde des vivantz.

Arrivées près de la lumière du jour, elles coupèrent leurs cheveux et formèrent avec une corde d’un noir mêlé d’argent. La jeune fille monta en premier ; la vieille dame en second, mais la corde se cassa derrière la jeune fille. Et la vieille dame fut précipitée dans les profondeurs.

La jeune fille remontée à la surface, referma la brèche avec de la terre. Et la Mort qui était encore là lui dit : « Tu es bien cruelle de laisser la vieille dame derrière toi », ce à quoi la jeune fille répondit : « J’ai été morte, je suis vivante ; j’ai aimé, j’ai été cruelle ; j’ai connu l’enfer, j’ai connu le paradis ; la vieille dame a vécu, elle est morte ; je me suis crue invincible, j’ai été vaincue ; ce qui était plus long que le destin a été coupé ; ce qui était plus épais que le ciel est tombé. — Rien ne dure, répondit la Mort. — Et je garderai toujours un peu de toi en moi », répondit la jeune fille.

Elle mit une dernière poignée de terre à l’endroit où la vieille dame avait été précipitée puis elle dit au revoir à la Mort avec un geste d’affection ; elle la reverra plus tard, bien plus tard quand ses cheveux repoussés seront devenus tout blancs ; mais cela, c’est encore une autre histoire.

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La rose miraculeuse

Il était une fois un prince, le seul héritier du royaume de son père, pourvu de toutes les qualités : il était beau, courageux et intelligent. Un jour, ce prince néanmoins tomba gravement malade. C’était une maladie telle qu’alors qu’il était encore en vie, son corps pourrissait et se décomposait ; il devint bientôt puant, affreusement laid, et son père lui-même ne pouvait plus le regarder en face.

Le prince se désola, désespéra, cessa de boire et de manger, et songea même à se tuer. Il allait le faire quand la veille du jour où il avait prévu de quitter le monde des vivantz, il fit un rêve étrange : il rêva d’un rosier mort au bout duquel se trouvait une rose telle qu’il n’en avait jamais vue ; elle était fraîche, délicate, toute épanouie ; et autour du rosier, il neigeait de telle sorte que la présence de cette rose était comme un miracle.

Le prince la regardait avec amour et admiration, quand il entendit une voix venue du ciel : « Si tu trouves cette rose, il te suffira de la cueillir et de la manger pour que ton corps et ton esprit retrouvent la santé. »

A son réveil, le prince se souvint de son rêve. Il parcourut le monde à la recherche du rosier. Il marcha longuement, comme un errant, un vagabond, rejeté par tout le monde ; personne ne savait qu’il était prince, et les enfants lui jetaient des cailloux. Il traversa sept forêts, quatre fleuves, trois océans, et deux déserts avant de parvenir au bout du monde.

Au bord du monde se trouvait une montagne enneigée. Le prince la gravit. Quand il fut au sommet, il trouva le rosier mort, et au bout du rosier, tout en haut, la rose miraculeuse. Sa couleur était à la fois douce et violente, ses pétales tendres, sa tige fragile et couverte d’épines ; il fut si ému par tant de beauté que les larmes lui montèrent aux yeux. Il tendit la main pour la cueillir, mais il arrêta son geste avant même de toucher la fleur. Il essaya une fois, deux fois, trois fois, puis poussant un grand soupir d’amour ou de chagrin, ou des deux à la fois, il s’assit à trois coudées devant la rose. Il resta là, assis, jusqu’à sa mort.

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