Il était une fois une dame qui avait passé toute sa vie à vendre ses services pour donner du plaisir. Elle blasphémait souvent, et elle se plaisait à insulter les prêtres.
Après sa mort, elle se réveilla dans le premier ciel du paradis.
Elle inspecta les lieux mais ne le trouva pas à son goût : « Tout cela est trop propre et trop lisse et trop lumineux ! s’exclama-t-elle. Je ne trouve pas Diex ici. »
Elle fut donc emportée par une nuée d’anges dans le deuxième ciel du paradis, mais alors elle dit :
« Cela me brûle les yeux tous ces soleils qu’il y a autour de moi. Je ne trouve pas Diex ici. » Qu’à cela ne tienne, les anges l’emportèrent dans le troisième ciel.
Elle ne put s’empêcher de dire : « Non, non, vraiment, ces chants me cassent les oreilles et m’assourdissent les sens. Je ne trouve pas Diex ici. »
Elle n’eut pas plus tôt dit ces mots que les anges l’emportèrent dans le quatrième ciel.
Là, elle fit la remarque : « Certes, tout cela est très beau mais c’est bien monotone et même presque écœurant. Je ne trouve pas Diex ici. »
Un essaim d’anges de plus en plus frétillant la ravit alors dans le cinquième ciel.
Elle regarda ses mains et dit : « Il y a trop de lumière en moi et je ne peux plus sentir le parfum de la terre. Décidément, quel est donc cet endroit de mort ? Je ne trouve pas Diex ici. »
A ce moment-là, les anges l’emportèrent dans le sixième ciel.
Elle se mit à siffler : « Vraiment, ce ciel est trop petit : seulz les meillaires y sont, je n’y trouve pas ma place et d’ailleurs je n’y trouve même aucun visage humain. » Elle ajouta : « Encore une fois, je ne trouve pas Diex ici. »
Elle fut emportée dans le septième ciel.
Elle rit et dit : « Si c’est cela le septième ciel ! On me l’a bien vanté et je l’avais imaginé tout autre. Je ne trouve pas Diex ici. »
Elle fut agrippée violemment par les anges qui la menèrent ensuite dans le huitième ciel.
Ce fut dans un soupir qu’elle dit à bout de force : « Ce lieu ne m’inspire guère confiance. Etes-vous bien sûrz que ma joie n’est pas mensongère ? Il y en a trop pour que j’y crois vraiment. Je ne trouve pas Diex ici. »
On l’emporta alors dans le neuvième ciel avec un grand tumulte éblouissant.
Elle se tut, ne sut que dire et pleura : « Il me faut monter de moi-même car ces anges ne savent pas où chercher. » Devant elle se tenait un immense escalier de cent marches. Elle le gravit marche après marche, mais l’escalier ne menait nulle part : quand elle voulut monter sur une cent-unième marche, elle tomba dans l’air sombre.
La chute fut rapide. Elle était de nouveau dans le monde des vivantz, parmi les arbres, les forêts, et les pieds dans la boue.
Elle eut un dernier rire de joie avant de tomber en poussières.