Comment les goules meurent

Il était une fois une goule qui avait faim, faim à en mourir. Son malheur, c’était qu’elle vivait au milieu d’un désert ; il n’y avait personne à séduire, personne à manger, pas même d’étendue d’eau pour se dévorer soi-même des yeux. Pas un reflet, pas une ombre.

La goule était sur le point de désespérer, de se laisser mourir quand tout à coup elle entendit au loin des pas. Elle mit ses plus beaux atours, aiguisa son sourire, et s’approcha.

Devant elle, une personne au beau visage : œil errant, bouche timide. La goule dit : « Tu t’es perdux, jeune être humain ? – Oui. »

Lae jeune lumme ne s’approchait pas. La goule fit rouler ses cheveux plus profonds qu’un tombeau.

Elle était belle à faire peur.

« Ne veux-tu pas venir ? – J’aimerais bien mais il y a trois coudées de scorpions entre mes orteils. Si j’avançais, je me ferais mal jusqu’à l’os. – Veux-tu que je te les enlève ? – J’aimerais bien mais il y a trois brassées de salamandres dans mon ombre. Si tu venais me voir, tu te brûlerais jusqu’au sang. – Veux-tu ramper jusqu’à moi ? – J’aimerais bien, mais j’ai trois tonneaux de serpents dans la tête. Si je penchais le front vers le sol, je tomberais jusqu’en enfer. »

La goule impatientée dit : « Comment pouvons-nous nous rejoindre dans ce cas ? – Je ne vois qu’une solution. Il faut que tu ailles voir le roi des scorpions, le roi des salamandres et le roi des serpents pour leur demander de me débarrasser. Prends mon ongle de pouce et passe-le dans la serrure de la première falaise que tu vois là-bas : tu y es attendue.  – J’y vais », répondit la goule.

Elle partit vers la première falaise et y mit l’ongle. Elle ne trouva ni roi des scorpions ni roi des salamandres ni roi des serpents. Elle frappa du poing avec colère dans la falaise, une fois, deux fois, trois fois : « Je vais mourir ! » Puis redressant le visage elle revint vers lae jeune lumme.

« Tu ne les as pas trouvés ? Prends mon cheveu et passe-le dans la serrure de la deuxième falaise que tu vois là-bas : tu y es attendue. – J’y vais », répondit la goule.

Elle partit vers la deuxième falaise et y mit le cheveu. Elle ne trouva rien, pleura, pleura longuement : « Je vais mourir ! » Puis redressant le visage elle revint auprès de lae jeune lumme.

« Si tu n’as toujours pas trouvé, prends ma petite dent et passe-la dans la serrure de la troisième falaise que tu vois là-bas : tu y es attendue. – J’y vais », répondit la goule.

Elle partit vers la troisième falaise, elle y mit la dent : toujours rien. Elle eut peur, la faim la tenaillait : « Je vais mourir ! » Puis redressant le visage elle revint vers lae jeune lumme.

Elle dit désespérée, presque morte : « Je n’ai pas trouvé » Lae jeune lumme répondit : « Tu as vu le chagrin, tu as vu la colère et tu as vu la peur en face. Malgré cela, tu es revenue vers moi sans me manger. C’était les seuls scorpions, salamandres et serpents qui nous empêchaient. »

La goule s’approcha de lae jeune lumme. Lae jeune lumme s’approcha de la jeune femme. Il n’y eut pas d’étreinte, pas de mains fermées, seulement un regard curieux. Les falaises avaient laissé place au ciel tout bleu, le désert aux jardins, et la faim au désir.

C’est ainsi que toutes les goules meurent.

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