Lorsque vint l’heure pour elle de se marier, une femme se choisit un époux. C’était un beau jeune homme. Mais ce qui avait déterminé son choix, c’était que l’homme en question ne lui coûterait rien : il avait la réputation de ne pas se nourrir ! « Quelle aubaine ! pensa la jeune femme. Non seulement, il ne me coûtera rien ; mais en plus, je dois avouer que les personnes qui ont un estomac m’ont toujours répugnée. »
Iels rentrèrent ensemble chez elle. Iels vécurent des jours heureux au début, mais peu à peu les choses allèrent de mal en pis ; il faut dire que le jeune homme avait un caractère très désagréable. Dès que le ventre de la jeune femme faisait un peu de bruit devant lui, il disait : « Sac à fiente ! Tuyau d’pisse ! Ça gargouille ! Ça glougloute ! »
En plus de cela, sans qu’on ne sût comment, la nourriture disparaissait bel et bien, et même de plus grandes quantités qu’il n’en aurait fallu pour deux personnes. Un jour, la jeune femme se dit à elle- même : « Ça suffit ! Il m’a menti à son sujet : il est bel et bien un être humain, puisqu’il a besoin de se nourrir comme moi. »
Et ainsi, elle décida de l’espionner pendant la nuit. Elle le vit se lever, aller fouiller dans les provisions, ouvrir une grande bouche, une énorme bouche pleine de dents et dévorer d’un coup de quoi nourrir dix personnes.
Mais ce qu’il y avait d’effrayant dans l’affaire, c’était que non seulement la bouche était démesurée, mais en plus, la jeune femme eut beau l’espionner toute la nuit et passer le restant de la journée avec lui, elle ne le vit jamais aller se vider les entrailles. Par contre, il ne cessait de dire pour elle : « Sac à fiente ! Tuyau d’pisse ! Ça gargouille ! Ça glougloute ! »
La jeune femme désespérée pensa qu’elle était tombée sous l’emprise d’ane démonx. Elle se rendit auprès de la sainte femme du village qui lui dit : « Notre Seigneur a dit que la nourriture ne rend pas l’être humain impur, car il l’évacue dans les lieux d’aisance. Mais cellui que tu as épousae est ane démonx : sa merde ne sort pas par derrière, mais par devant ; ol t’insulte, ol te maltraite par ses paroles…Un jour, ol te dévorera. — Que dois-je faire ? demanda la jeune femme. Comment lae rendre plus aimable ? — Voici la solution : la prochaine fois que lae démonx te dira des paroles impures, tu lui répliqueras : “Même Jésus-Christ pissait et chiait”, crois-moi que ça lae fera bondir ! Ol se mettra très en colère, te traitera de tous les noms, mais toi, tu devras persister. Tu répéteras cette phrase autant de fois que nécessaire : il se passera ensuite ce qui se passera. »
La jeune fille rentra chez elle confiante mais un peu effrayée. Et comme elle était un peu effrayée, son ventre se mit à faire du bruit. Alors, lae démonx s’exclama : « Sac à fiente ! Tuyau d’pisse ! Ça gargouille ! Ça glougloute ! » La jeune femme répondit : « Même Jésus-Christ pissait et chiait. » Lae démonx s’exclama : « Oh la salope ! Oh la salope ! Elle a de la merde dans la bouche ! », mais elle, elle persistait : « Même Jésus-Christ pissait et chiait. » Lae démonx s’écria d’une voix forte :
« Oh la grosse dégueulasse ! Oh la grosse dégueulasse ! Je vais lui bouffer les entrailles. »
La jeune fille répondit encore une fois : « Même Jésus-Christ pissait et chiait. » Mais lae démonx ne semblait pas prêtx de changer.
Alors, la jeune fille pensa : « Il est temps pour moi de lae quitter. » Elle ouvrit la porte et partit. Lae démonx tenta de la rappeler : « Ma chérie, ma chérie ! Reviens près de moi, mon amour ! », mais il était trop tard : elle courut sans se retourner.
Quelques années plus tard, elle l’avait oubliae.