Le nom des choses

Il était une fois un petit enfant qui cherchait la peur ; aussi, un jour, il s’éloigna de la maison familiale pour entrer dans la forêt : « Peur, es-tu dans cette forêt ? », cria-t-il à tue-tête ; le vent lui répondit : « La peur, la peur est dans cette forêt. »

Mais l’enfant ne le crut pas, il cria de nouveau : « Peur, es-tu dans cette forêt ? » Et les oiseaux lui répondirent : « La peur, la peur est dans cette forêt. »

L’enfant continua de s’enfoncer dans les bois, et la nuit tombait ; il n’avait toujours pas peur, et il cria une troisième fois : « Peur, es-tu dans cette forêt ? » Cette fois-ci, ce fut le silence qui lui répondit : « La peur, la peur est dans cette forêt. » Et le silence avec sa voix glacée terrifia l’enfant, mais il était trop tard : un énorme loup se présenta devant lui avec ses yeux brillants et le dévora.

Lorsque minuit sonna, la grande sœur du petit enfant s’inquiéta pour son frère. Elle se rendit dans la forêt, avec la peur au ventre et pour se rassurer, elle criait : « Peur, es-tu dans cette forêt ? » Le vent lui répondit : « La peur, la peur est dans cette forêt. »

La grande sœur prit encore plus peur, mais elle avança courageusement et pour se rassurer encore, elle dit : « Peur, es-tu dans cette forêt ? » Et les oiseaux lui répondirent : « La peur, la peur est dans cette forêt. »

Alors, quand elle fut parvenue au cœur de la forêt, elle s’écria encore une fois pour se rassurer :

« Peur, es-tu dans cette forêt ? » Et le silence lui répondit : « La peur, la peur est dans cette forêt. » A ce moment-là, l’énorme loup qui avait dévoré son frère s’approcha d’elle, mais la sœur aussitôt s’empara d’une pierre et frappa sur le crâne de l’animal, qui tomba raide mort.

Avec ses dents, la grande sœur ouvrit le ventre de l’animal et son frère put en sortir sain et sauf, mais lorsque la grande sœur l’interrogea, elle s’aperçut que celui-ci avait perdu la parole.

« Comment rendrai-je la parole à mon petit frère ? » pensa-t-elle.

Iels marchèrent ensemble dans l’obscurité. Iels arrivèrent bientôt devant une cabane où vivait une magicienne. Et la grande sœur frappa à la porte : toc toc toc.

La magicienne ouvrit, la grande sœur fondit en larmes et expliqua tout ce qui était arrivé à elle et à son petit frère.

Et la magicienne dit : « Ton petit frère ne pourra retrouver la parole que lorsque tu auras trouvé le prénom de chaque brin d’herbe, chaque caillou, chaque fourmi, chaque oiseau, chaque grain de poussière de cette forêt. »

La grande sœur dit : « Mais c’est impossible ! Il me faudrait plus d’une vie pour y parvenir. — C’est la seule solution », répondit la magicienne, et elle lui referma la porte au nez.

La grande sœur marcha, marcha, son petit frère dans les bras, désespérée ; le matin s’était levé. Alors, elle commença à nommer chaque élément de la forêt, et chaque fois qu’elle trouvait un nom, le petit frère qu’elle avait nommé Religion le répétait ; et la peur, un instant, semblait quitter son visage.

Et elle continue encore de nommer aujourd’hui.

A elle-même, elle s’est donné le nom de Poésie.

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