il y avait déjà nos yeux

laisser nos larmes tomber comme les colonnes du monde

détruire jusqu’à ce que la poussière fleurisse

détruire sans nier
sans regretter
sans tuer
sans écraser

hurler sans que mon cri recouvre ton visage

souffrir mais souffrir ensemble
devenir l’océan qui pleure dans un océan qui pleure

devenir le pli l’hésitation
une vague qui se courbe
comme un sourire
ou s’enroule comme une larme
sur le menton d’un seul instant

devenir tout cela

*

ne pas désirer autre chose
que désirer

— je ne veux pas payer
ni me vendre —

pas de satisfaction possible
pas de saisissement

c’est cela qui leur fait si peur
notre désir sans objet

insatiable flèche
n’habiter que le vent
non la blessure d’une possible cible

ne cherche plus
laisse la vie te chercher et cache-toi

il ne faut pas être

il ne faut pas être pour ne pas être vendu-e

je ne veux pas mourir — sauf si la soif continue après mes os et la terre

je leur dirai
j’ai vécu bizarrement et vous
vous m’avez menti
— mais je ne vous ai pas cru-es parce que je n’avais pas besoin du paradis ni d’un dieu ni d’un jugement ni de la vérité ni d’un enjeu ni d’un lendemain heureux

il y avait déjà nos yeux