voix

c’est la folie
je suis le genre de mec
qui a tellement raté sa vie

que c’est original

y a des chutes
elles tombent si justes
qu’elles sont
au fond

au fond de toi

en vrai je suis peut-être
un truc lumineux perdu
dans une galaxie lointaine

les gars
ma lumière n’atteint pas encore
vos yeux

je suis pas réputé pour être modeste
me demande pas
combien j’ai gagné ce mois-ci

combien
font sept et cette étoile

que j’ai jamais

je l’ai même pas essayée en vrai
(j’en voyais une autre plus loin
et plus belle)

je suis un gars absurde
je dis à quoi bon
mais en fait la réponse

j’ai pas le temps de l’écouter

hurle-la moi
ou sinon

laisse-moi courir
j’ai une aventure
des fourmis dans les pattes

j’ai le vent à poursuivre

il y a un pays que je cherche
il est au bout
et c’est fou bordélique incompréhensible parce que

les chemins rapides on les suit pas

on les devient

défie
devine
dévie

l’oracle dit aux dieux

oublie-toi
souviens-toi que la mort (soudain)

a des ailes

***

certains jours
ça m’épuise

les grenades sont fraîches franches
yeux
pleins à croquer
j’aimerais un rouge à lèvre
pour contourner ma bouche
et ne pas dire

ne pas dire

(j’ai peur du feu)

un jour je dessine
un jour je chante

un jour je pète un câble

je suis toujours sérieuse
parce que j’ai dit

presque rien dit

j’ai dix-sept ans

souvent

je suis une parole qui se noie
sous ma peau

là-dedans
je me danse
je me délivre

dévore

je suis libre comme l’obscurité
(au fond l’obscurité est une vision

sans but)

***

tu marches parce que tu ne sais pas
que c’est instable

je danse avec ma mort
j’ai autour de moi l’étreinte gelée

de ma terre de ma tombe
de ma légère ombre de ma légère et douce

mais cela ne m’appartient plus

les coings les poings tombés
la feuille seule comme une paupière
sans regard
aucunement
tangue presque longtemps
sur l’étrange étang

il fait noir entonnoir

il fait frais nu
et vrai peut-être nul

encore le bruit d’un rire là-bas
qui court sans dents dans les
feuilles mortes
(oublie-moi)

œil bleu œil noir
œil grand fermé du soir

***

la fleur pleure la rose au fond
de nous
presque close pareille à un aveu
qui se mord les lèvres

silence

les bernaches un matin de mai
la pierre chaude de soleil
comme ma main
après avoir tenu

une main entière

entièrement

c’était un matin de maintenant

***

il était une porte

quand mes yeux prennent la mer

les portes
sont

je sais pas ce qu’il y a

c’est dur de dormir

dans l’océan

à quoi ça sert une porte

un œil fermé
ça sert à dessiner dans sa tête

les elfes ça existe
je te jure

c’est derrière

derrière la porte

et oui ça sert à ça les portes
c’est des portails
elfiques

interdimensionnels

ça veut dire inter

que c’est intéressant

quand je me réveille

le soleil il a toujours la flemme
de dessiner

les jolies lignes
les petits planctons
les bulles bizarres

qui essayent de quitter
mes paupières

un jour je lui apprendrai
à faire

des oreilles pointues
et même peut-être

le sourire

***

un ciel net à ouvrir les yeux
comme on blesse

un air de déjà-tu
sur ma bouche

mais le courage
est toujours une invention

et la lâcheté
un manque d’imagination

si je ne peux pas la dire

l’amoureuse parole

il y aura quelque part
un mensonge poli
une iniquité assez jolie
une amabilité de jeune et docile
banquier

peut-être quelque chose de moins grand
que mon silence

pour taire à ma place l’amour

***

répéter le vent répéter le vent
répéter

quand mon souffle est devenu un couloir
une enfilade
de pièces vides
aux rideaux gonflés par le corps lourd

de mon enfance

mélanger la mer
à ma poitrine

ouvrir la poitrine
pour défaire les plumes rouges du coquillage

creuser le coquillage
jusqu’à entrer dans une forêt

une forêt de vertèbres nouées
tortueuses
prier dans une église baroque

pousser la porte
mais ne jamais voir l’envers
du monde que l’on a détruit

je voulais prendre dans ma main
le territoire

être cellou qui sait

coller des insectes sur les pages
blanches de mon regard

et entailler ma langue
comme celle du lézard

dans la fente

pour suivre en même temps
les deux voies

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