quel corps avec quelle tête ?

il était une fois une princesse.

un jour, son père voulut la marier.

« me marier ? dit-elle. mon père, je le veux bien mais à une condition. — une condition ? dit son père. laquelle ma fille ? »

la princesse dessina alors deux têtes de cheval et deux corps de cheval séparés les uns des autres ; l’une des têtes était blanche, l’autre tachetée ; l’un des corps était blanc, l’autre tacheté de la même manière. elle dit : « que les prétendants viennent ! celui qui pourra assembler convenablement les têtes et les corps que j’ai dessinés, celui-là sera mon époux. »

les prétendants vinrent. ils se présentaient un par un. tous disaient : « la tête tachetée va avec le corps tacheté ; la tête blanche va avec le corps blanc », ce à quoi la princesse répondait : « faux ! faux ! vous avez tout faux : vous n’êtes pas dignes de moi. »

vint à se présenter un jour au palais une reine.

elle se rendit auprès de la princesse et lui dit : « la tête tachetée va avec le corps blanc ; la tête blanche va avec le corps tacheté ; la tête ne s’accorde jamais au corps, ni l’esprit à ce qui le soutient, ni la logique au monde. »

et la princesse dit : « tu as dit vrai. c’est toi qui seras ma femme. » le roi son père s’indigna : « une princesse avec une reine, cela ne s’est jamais vu. — cela existe pourtant, répondit sa fille, puisque les chevaux avec un corps blanc et une tête tachetée existent. »

et les prétendants indignés dirent : « comment pouvions-nous deviner la réponse de l’énigme ? la raison commandait le contraire. quant aux analogies de ta prétendante, on pourrait bien les retourner et dire l’inverse : que chez l’homme de bien, la tête s’accorde au corps, l’esprit à ce qui le soutient ; et que dans la pensée droite, la logique s’accorde au monde. — peu m’importent vos raisonnements ! répondit la princesse. vous m’avez crue assez idiote, transparente et simple pour être incapable d’imaginer cette réalité plus obscure : que les chevaux à tête tachetée et à corps blanc existent ! l’intelligence ne tient pas dans les raisonnements, mais dans notre capacité à voir cette intelligence rayonner chez celleux qu’on aime. »

elle s’en fut avec la reine, et elles vécurent heureuses loin des yeux de toux.

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