tout est devenu
(vieux texte retrouvé par hasard avec d’autres et un peu modifié)
tout est devenu ce paysage une prairie préhistorique et glaciaire un sang blanc lactescent antarctique malade des ossements fatigués s’immobilisent dans ce faible corps et un cirque crépusculaire de vertèbres où résonne une voix éternelle un nombril comme un amphithéâtre antique un cœur en pointe un cap qui se tend qui se dissout jusqu’à l’infini car je ne suis plus qu’un animal qui attend ce sont des lumières primitives qui flottent autour de moi rougeoyantes jaunes dorées flamboyantes sauvages la crête rouge de mon sang s’élève pour chanter l’aurore jusqu’au bord de mes lèvres pyramidales couleur de désert brûlé il y a dans ma poitrine un coq inquiet aux couleurs du coquelicot qui chante avec une voix cassée sur le roc tendu de mon âme là il ne reste plus dans ma tête que des balbutiements des stalagmites de magma diaphragme défragmenté tout est devenu sauvage les anges ont des sourires de bêtes sauvages leurs ailes ont la couleur dorée des bêtes fauves leurs boucliers flamboyants sont hirsutes comme la crinière des lions c’est un paysage opaque de cendres et apocalyptique un volcan vocal vasculaire s’est dessiné sur ma bouche béatement à mesure que le corps s’affaiblit à mesure que le corps s’affaiblit le feu devient plus rouge des voûtes rouges arachnéennes ascétiques de plus en plus distendues dentelées raréfiées de lave et de sève crépusculaire se dessinent dans mes yeux ébahis mon sang s’élève mon sang s’élève c’est la langue d’un serpent fourchue et stridente sentir mon corps vibrer ainsi n’est-il pas plaisir de la chair oh vignes de lave qui se soulèvent jusqu’au cosmos le goût de la destruction arrache de mon âme un chant bacchique tumultes de tumeurs vertes tubercules tubulaires volcans noirs de racines météores de lianes bourrelées bourgeonnantes l’enfer ne sera pas rouge mais vert derrière le buisson de mon sexe une hyène éclate d’un rire concupiscent le marécage la jungle tropicale strangulante atrophiée coagulée et crasse poisseuse de plus en plus dense et épaisse de mon corps comme une marmite grasse et rance paresseuse poisseuse pisseuse crépuscule crépu crépitant croupi qui crache ses exhalaisons vertes sur la croupe lubrique de la terre o terre o terre elle exhale çà et là des feux follets échevelés elle est embaumée de mousse couleur de glaise gluante comme une momie dans son sarcophage flaques acnéiques taches de léopard singes grimaces tigre rayé de sang avec une haleine putride atroce je ne suis plus qu’un arbre de désespérance dans la confiture tropicale et tiède de la tristesse l’immensité de la jungle devient profondément intime là astre rouge menstruel pétri pétri de feu je rencontre une plante exotique qui me fait frémir de terreur l’immensité de la jungle devient profondément intime c’est une jungle polyglotte où plusieurs voix d’animaux sauvages se répondent par des cris stridents à travers la trachée noire et infinie de la terre épines épiderme de la terre ventriloque tressaillante remuante muette qui comme un nourrisson éructant se vide de son eau et de toute sa substance vergetures végétales de cette forêt vierge dont les plis profonds m’ensevelissent oh comme ces paupières-fougères se referment quelle ombre suave là il me prend des envies de tanner le cuir chevelu de la terre comme les femmes antiques pour manifester leur désolation est-ce une désolation exhalaisons de la terre elle embrasse mes pieds tombe en pâmoison de jouissance de désolation les palmes en éventail des arbres lui arrosent le front lui humectant la peau du crâne de leurs doigts de rose profane et toute la jungle est plongée dans une transe ténébreuse deux ailes recouvrent pudiquement mon dos comme des pagnes païens la terre voluptueuse s’évanouit sous mes pieds je m’évanouis à mon tour entre les vulves noires et tièdes de cette nappe ovulaire qui m’avale toute entière au cœur de mon évanouissement je sens la silhouette du boa glissant insidieux s’enrouler autour de mes côtes comme une auréole mouchetée d’or car oui car oui c’est le cilice sifflotant de la concupiscence qui me prend aux côtes et aux cuisses comme il me berce comme il me berce car oui car oui le boa quand il étrangle a la forme d’un berceau et le boa s’en va et je poursuis mon chemin dans ce grand lagon la terre aux écailles rougeoyantes de dragon exhale des flammes vertes et inquiétantes cette jungle est remplie de ce demi-dieu qui me fait frémir de terreur un dragon les arbres déploient leurs ombres noires avec leurs ailes de gargouilles goudronnées des cratères et des colonnes torses de racines plongent jusque dans la crypte pourrissante et centenaire de l’abîme goulu glougloutant silence silence arbrisseaux vermisseaux tous mangent les corps centenaires en silence des morts les arbres fourchus pareils à des brochettes infernales remuent la viande de ces corps sans visage immense bouillon fumant de charognes vertes elles n’ont plus de visage c’est un sépulcre puant âcre pouah pouah que dis-je un sépulcre un purin un purgatoire quoi un enfer de vie qui pourrit comme un fruit trop mûr chaque fois que je pose un pied quelque part chaque fois que je pose un pied oui j’entends j’entends oui le bruit broyé brisé de la poiscaille et de squelettes primitifs d’insectes d’écailles de fragments archéologiques amphibiques concassés de cette bouillabaisse douteuse aux arêtes recroquevillées d’écorce c’est un gigantesque alambic hoquetant l’alambic épileptique vert absinthe pris de colique de la terre alcoolique spasmodique scories scarifications noires et vertes lèpres de mousse gales remuantes des sarments terre malade terre verte et glauque grotesque mosaïque de sacs plastiques déchiquetés de fils électriques de canettes de coca de capsule de bière heineken d’objets hétéroclites de carcasses de voiture et maladive la terre rapiécée et scarifiée a un visage de frankenstein elle pousse des glapissements chaque fois que je pose un pied un pied hop là dans la boue l’air est jaune et lourd tout autour de moi et je nage dans cet aquarium de résine de résidus équatorial les chênes plongent leurs gencives noires dans la salive verte et jaune de l’humus amer dégoût dégoût car l’amaigrissement de la terre dégoûtée d’elle-même retrace des schémas darwiniens mon estomac pousse des barrissements d’orang-outang couleur de feu peut-être ai-je comme on dit le diable au corps ici et là palimpsestes d’esquisses entassées de silhouettes de plus en plus fantomatiques jusqu’à n’être pas plus consistante que l’aile d’un phalène expirant dans une haleine blanche d’ossements corps fœtus exfoliés hors du ventre trapu de ces strates blanches et millénaires embryons bribes de vie l’éternité se décompose en atomes la mort la mort respire jusqu’à la mort elle n’est pas noire mais verte oh ce tumulus vert et jaune champignon atomique de mousse moisissure dorée c’est une colonne de champagne qui se dresse verticalement devant moi une sorte d’effervescence le dernier cri de joie d’un homme qui a la mort dans l’œil c’est un pétillement cosmique une fourmilière dorée de cendres et de paillettes d’or non non ce n’est pas suffisant le soleil fait pleuvoir ses rayons sur moi comme une termitière d’étoiles phosphorescentes une colonne dorée cordon ombilical lié au nombril du soleil apparaît sous mes yeux pleins d’émerveillement une obélisque d’or dans une clairière apparaît sous mes yeux plein d’émerveillement quelle aube quelle aube possible et des images d’apocalypse apparaissent aussi dans cette nuit sauvage et brûlante ce n’est pas la brûlure du feu mais la respiration chaude du monde végétal et comme une aquarelle de néant qui éclot dans une clairière dans un halo des collines bucoliques qui chantent leur pastorale avec ironie humour noir des corolles noir pétrole des alvéoles noir pétrole le miel de la nuit remplie de miasmes noir pétrole un vitrail plus noir qu’une élytre de scarabée transpercé de lumière anges aux auréoles noires les mouches noir pétrole dansent tout autour de moi avec leurs trompes d’or flétri les mouches les sauterelles les abeilles cathédrales d’alvéoles noir pétrole dont les couleurs tournent tournent comme sur une aquarelle de néant qui se dissout se dissout progressivement devant ces idoles noir pétrole houle noire houle noire qui se bouscule qui se dissout progressivement comme une dentelle noire houle noire houle noire qui se dissout progressivement avec une mélancolie toute blanche sont-ce les ombres noires qui se balancent qui me donnent cette impression le berger saisit sa houlette et conduit ses moutons noirs sur les collines bucoliques avec humour noir avec humour noir les mouches noir pétrole dansent tout autour de moi avec leurs trompes d’or flétri je tire des mines le miel de la nuit les tarentules aux racines tarabiscotées noir pétrole qui plongent frénétiquement dans les nappes phréatiques et le ventricule noir pétrole du monde j’arrive bientôt près d’un fleuve couleur d’argile où je lave mes pieds joie joie baptême d’argile l’argile me lave mieux encore que l’eau ô terre ô terre ta voix frémissante se fraye un chemin jusqu’aux veines de mon cœur n’est-ce pas le front que l’on pose sur la terre pour invoquer le ciel et dans la poussière ô terre ô terre mon corps se tend verticalement comme un point d’exclamation quand il t’invoque