À L.
Tu as dessiné mon contour :
seuls un demi-soupir, une virgule d’abîme me séparent de toi.
J’ai encore en moi l’écorce nue de tes baisers,
quand ils touchaient le bout de mon âme
et mangeaient la dernière miette d’ombre
gisant au fond de mon regard
— toi seule a la clef de mon regard.
Tu défais la couture de mes yeux :
ils ne sont plus qu’étoffes vides quand tu pars loin de moi.
Lorsque tu pars loin de moi,
mon ombre me suit comme un gant de velours inhabité,
un cerceau n’enlaçant plus que silence.
Mon désir qui t’attend est un oiseau aux ailes coupées :
il ne trouve de repos que dans la trace de tes yeux.
Et lorsque tu te tais,
il n’y a plus qu’un demi-soupir, une virgule d’abîme qui me
séparent de toi.
Partons ensemble comme un matin fuyant la mort ;
ne nous retournons pas vers les épaves d’étoiles
qui hantent l’horizon.
Nous monterons sur les marches légères de l’espérance ;
nous serons semblables aux déesses qui mordent la poussière,
quand l’amour leur a blessé la poitrine jusqu’à la corde
— l’amour a bu mes yeux jusqu’à la lie.
Nous dévaliserons les derniers étages du monde,
nous monterons et tomberons peut-être
parfois.
Notre chute ressemblera à celle de l’enfant
qui touche de son pied la terre pour la première fois ;
tout ne sera que première fois,
tout ne sera qu’élan,
et bruits de nos soupirs sur le seuil du ciel naissant.
Je te donnerai le bruit de mes rêves,
et le demi-soupir, et la virgule d’abîme qui me séparent de toi.