A Yvette
Tes paroles tombaient de ta bouche comme des fruits sucrés
– jamais aucune guêpe à l’intérieur –
et nous les mangions comme les oiseaux,
comme tout ce qui s’envole.
Ton prénom est « Yvette » et pour moi cela signifie :
« celle qui s’envole ».
Dans « Yvette », il y a la fauvette, l’ivresse.
Il y a aussi un Y comme une baguette de sourcier ou l’oiseau :
c’est donc un prénom d’eau fraîche et d’ailes riantes,
comme tout ce qui s’envole.
Tu avais le sourire plein de sève ;
ta voix s’élevait dans les airs comme un chemin jonché de coquelicots ;
les coquelicots sont toujours un peu impertinents :
légers dans la lumière comme des éclats de rire volés,
libres, comme tout ce qui s’envole.
Je t’ai peu connue. Qu’ai-je su voir dans tes mains ridées comme des roses,
parfois traversées de soleil ?
On m’a dit qu’il s’y trouvait des trésors.
Tu as voyagé au-delà des mers et tes yeux étaient remplis de pays au sable rouge ;
tu as connu les déserts, les errances ;
jamais pourtant les petites fraises sauvages n’ont quitté tes joues
tendres.
Tu as voyagé par-delà les pays et tu es revenue l’âme pleine de couleur bleue,
comme tout ce qui s’envole.
Il faisait bon vivre dans ton cœur ;
même quand le brouillard gris cendré recouvrait tes cheveux,
il y avait du feu et du vin chaud dans ton regard,
voilà qui suffisait, simplicité, rires, feux de joie et braises vivantes
à chaque éclat de rire,
voilà qui suffisait, comme tout ce qui s’envole.
Maintenant j’ai reposé sur mon cœur
les paumes encore un peu chaudes d’autrefois
et je sais que ton souvenir est comme le rouge-gorge : il ne suit pas, il précède ;
il sera devant nos yeux comme un guide et chantera, gorge plus rouge
que le désir de vivre,
une chanson tremblante,
joyeuse, à voix déployée,
comme tout ce qui s’envole.
Le ciel t’attend,
ne te repose pas avant de l’avoir atteint : alors, tu chanteras en paix dans le lointain,
comme tout ce qui s’envole.